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ANB / INBO

Comment déchiffrer le langage corporel des loups

Hier, de nouvelles vidéos des loups présents dans le Limbourg nous sont parvenues, et nous avons pu observer les trois jeunes jouer gaiement devant l’objectif d’une caméra nature. Ces images prouvent que les louveteaux se sentent en sécurité et qu’ils sont en bonne santé. Si ce n’était pas le cas, le jeu serait la dernière de leurs préoccupations. Deux comportementalistes se sont penchés sur ces images et nous ont livré leur analyse exclusive des comportements observables dans la vidéo.

Langage des loups : infos et intox

Nous avons fait appel à Eva Lambrecht, comportementaliste spécialisée dans les attitudes canines. « Les loups et les chiens sont des espèces très proches et développent des attitudes similaires. D’ailleurs, celles relevées lors de l’observation des loups se retrouvent aussi chez les chiens. De nombreuses erreurs sont ancrées dans nos croyances, un bon exemple est la supposée hiérarchie qui régente les meutes de loups, dominées un mâle « alpha ». Cette croyance est née des premières observations de loups, qui se déroulaient en captivité. Cette situation est loin d’être naturelle, car ces animaux sont forcés de vivre ensemble alors qu’en liberté, ils ne pénètreraient pas sur le territoire les uns des autres. Ce n’est que quand nous avons commencé à étudier les loups dans leur habitat naturel que nous avons découvert qu’ils vivaient pacifiquement en ‘’familles’’ et évitaient le conflit autant que possible. »

L'expert Carl Grooteboer, n’est pas seulement un connaisseur des chiens, il a aussi étudié de nombreux animaux exotiques tels que le loup. Selon lui, « la plupart des animaux évitent les conflits au sein de leur propre espèce. Ils sont conscients que même en cas de victoire, ils peuvent s’en sortir avec de (légères) blessures. Si celles-ci s’infectent, ils occupent le rôle du perdant. Les loups partagent cette attitude. Au cours de leur évolution, ils ont développé des toutes sortes de signaux leur permettant d’éviter de se battre. Ils expriment ces signes dès leur plus jeune âge et en particulier pendant leurs jeux. »

Deux loups répondant à leur invitation respective au jeu
ANB/INBO

Le jeu : une bonne préparation à la vie d’adulte

Dans la vidéo partagée le 16 septembre (visible également à la fin de cet article), deux jeunes loups commencent à jouer. « Nous pouvons clairement voir la façon dont les petits s’invitent mutuellement à jouer. Ils exécutent une sorte de ‘’danse’’ avec leurs pattes antérieures, rentrent la tête et bondissent gaiement. En se comportant de cette manière, ils communiquent clairement que les attitudes adoptées ensuite font uniquement partie d’un jeu. Ils savent ainsi que l’autre n’a pas d’intention cachée et qu’ils peuvent exposer leurs points vulnérables. », explique Eva.

Plus tard, le jeu s’arrête brusquement. Carl déclare qu’il n’est pas sûr à 100 % de la raison de cet abandon. « Peut-être est-ce parce qu’ils se sont rapprochés de la caméra ou parce qu’ils ont perçu un bruit au loin. Toutefois, nous pouvons aussi comprendre que les deux loups avaient des attentes différentes. Le premier semble vouloir faire la course, un jeu plus sécurisant car il permet de laisser une certaine distance entre les participants, tandis que l’autre paraît plus loin dans son développement et heurte les flancs de son frère ou de sa sœur. Le premier peut avoir décidé de se retirer car ce jeu est encore trop brusque pour lui. »

Selon Eva, le premier loup peut avoir expérimenté un moment de stress, même si celui-ci n’est pas forcément négatif : « Il est courant de voir les animaux instaurer des pauses pendant leurs jeux. Le plus jeune peut avoir souhaité se débarrasser de cette tension. Son poil est aussi légèrement humide. Sécher son pelage est un réflexe tout à fait naturel. Cependant, en me basant sur le moment de la réaction, je penche pour la première explication. Tous ces mouvements alternent avec des moments de ‘’trêve’’ ; ceci est parfaitement normal. De cette façon, les animaux font redescendre la tension et le jeu ne se transforme pas en véritable bagarre. »

ANB/INBO Les louveteaux commencent par batifoler, puis l’un d’entre eux secoue son pelage
ANB/INBO

Pourquoi jouent-ils ?

Tout comme les enfants, les loups expérimentent de « vrais » aspects de la vie d’adulte. Le jeu leur permet de développer leur instinct de chasse. Carl nous éclaire sur le sujet : « Les comportements nécessaires à la chasse sont tous passés en revue par les jeunes loups. Leurs jeux peuvent être répartis en trois catégories, qui possèdent chacune une intensité physique différente en fonction de la phase de chasse imitée. La première est l’approche discrète et la course proprement dite. Les contacts physiques sont encore inexistants, ce qui représente un exercice sans danger, particulièrement adapté aux individus les plus jeunes et les moins sûrs d’eux.  

Ensuite vient la phase du rapprochement, où ils cognent leurs flancs l’un contre l’autre, ce que l’on observe également dans cette vidéo. Lorsqu’ils rattrapent une proie, les adultes tentent de la déséquilibrer ou de la faire trébucher. La dernière forme de jeu comprend les morsures et la saisie de la proie. Celle-ci est également présente dans les exercices des jeunes prédateurs, qui se mordillent le cou et tentent de mettre à terre leur adversaire. Un vrai match de catch ! »

Outre leur préparation à la vie adulte, les petits développent d’autres compétences grâce à leurs jeux. « Une fonction primordiale du jeu est d’établir des liens avec les autres, » explique Eva. « On voit que ces loups se connaissent bien et réagissent les uns avec les autres. Ils tissent des liens et s’accordent une confiance totale. De plus, il ne faut pas perdre de vue que les jeux sont très amusants. Il n’est pas toujours nécessaire de chercher une explication profonde, je suis persuadée que ces animaux peuvent avoir simplement envie de s’amuser. Comme chez les enfants, la vidéo démontre bien qu’il est difficile de jouer à trois. Le troisième loup se préoccupe davantage des éléments présents autour de lui pour s’approcher subrepticement de ses frères et sœurs et tenter une attaque surprise. Par après, lorsque les deux premiers se séparent, il voit une opportunité de rejoindre la partie. »

Comme les loups doivent encore passer beaucoup de temps ensemble, il est essentiel qu’ils apprennent à bien se connaître. « Le jeu apprend aux jeunes animaux à découvrir le monde, les autres et à se découvrir eux-mêmes », précise Carl. « Ils testent leurs limites et celles de leurs compagnons et voient jusqu’où ils peuvent aller. Cela leur permet d’appréhender leurs forces et faiblesses : l’ampleur de leurs sauts, leur vitesse de course, leur discrétion, leur puissance physique… »

Une preuve de bonne santé physique et mentale

L’attitude insouciante des jeunes loups est une bonne nouvelle pour Eva : « L’une des conditions sine qua non est que leurs jeux puissent se dérouler dans des conditions optimales et sécurisées. Voir ces trois petits jouer de manière aussi enthousiaste signifie qu’ils se sentent bien dans le Limbourg. Ils rayonnent de santé, car les sujets malades, affaiblis ou vulnérables ne s’amusent pas. »

Même si nous n’avons aucune nouvelle du quatrième louveteau, nous sommes certains que les trois autres sont en grande forme. Nous espérons qu’ils joueront encore longtemps !

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