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À gauche : un pic noir ; à droite : un pic épeiche
À gauche : un pic noir ; à droite : un pic épeiche
Yves Adams

Des maux de tête ? Pas pour le pic !

Au gré d’une balade en forêt, vous avez peut-être déjà entendu les coups répétés et incessants d’un pic sur un arbre. Pourtant, notre percussionniste préféré ne semble pas souffrir de la migraine qui accompagnerait chacun d’entre nous après autant d’efforts. Quel est son secret ? Réponse ici !

Vous avez toujours été impressionné.e – pour ne pas dire émerveillé.e – devant les films d’arts martiaux où le protagoniste coupait une planche de bois d’un simple coup de tête ? Vous n’êtes pas seul.e ! Et si nous vous disions qu’il existe un expert dans notre nature qui n’a pourtant jamais appris le karaté et qui surpasserait n’importe quelle ceinture noire ? Oui, nous allons vous parler de nos pics ! Vous pouvez en croiser cinq espèces dans nos paysages : le petit pic épeichette, le pic mar et sa calotte rouge, l’élégant pic épeiche, le pic vert coloré et le rare pic noir. Leur point commun ? Tous sont des batteurs exceptionnels.  Ils peuvent frapper des surfaces – généralement les arbres – à raison de 30 fois par seconde, donnant jusqu’à 12 000 coups par jour ! Pour nous pauvres humains, impossible de ne pas attraper une migraine ou pire : une commotion cérébrale. Mais les pics ont des armes bien différentes des nôtres…

Les pics creusent leur nid dans les arbres
Les pics creusent leur nid dans les arbres

Une nouvelle étude révolutionne nos connaissances

Mais pourquoi les pics martyrisent-ils leur pauvre crâne de la sorte ? Simplement parce que ces percussions sont essentielles à leur vie : leurs coups leur permettent de trouver des insectes sous l’écorce des arbres ou dans le sol, de construire leur nid dans les troncs solides et aussi de séduire leur partenaire. Heureusement pour eux, les pics ont évolué de manière à ne pas souffrir de leurs coups répétés. Il y a quelques mois, nous vous présentions la théorie admise jusqu’alors : les pics possèderaient une sorte de coussin en cartilage censé absorber les chocs. Mais une étude publiée en juillet 2022 dans Current Biology remet en cause nos connaissances et présente de nouvelles conclusions. Au lieu d’absorber les chocs comme nous le pensions, le crâne des pics agirait en réalité comme un marteau très rigide pour améliorer les performances de nos oiseaux. Les chercheurs ayant réalisé cette étude expliquent que l’absorption des chocs ne serait pas une capacité évolutive judicieuse car elle réduirait l’énergie cinétique créée par les pics, et donc la force de leurs coups.

Il est nécessaire pour beaucoup d’organismes d’absorber les chocs reçus à la tête afin d’éviter des dégâts irréversibles aux neurones et fonctions cognitives. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons inventé les airbags ou les casques, qui ont d’ailleurs été inspirés – à tort – par l’os spongieux situé entre le bec des pics et leur cerveau.

Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont filmé six pics de trois espèces différentes (pic noir, grand pic et pic épeiche) pendant qu’ils frappaient une surface en bois. Ils ont alors constaté que la zone reliant le bec aux yeux des oiseaux était restée rigide tout au long de l’exercice et que l’absorption des chocs était très faible, voire absente. Ils ont également réalisé une modélisation biomécanique d’un pic noir pour tester leur hypothèse, et le résultat est sans appel : si le crâne fonctionnait à la manière d’un airbag, l’oiseau devrait donner des coups plus puissants pour arriver au même résultat. Or, il ne serait pas judicieux pour un animal de dépenser plus d’énergie pour un acte indispensable à sa survie ; la sélection naturelle dote d’ailleurs toujours nos amis à poils, plumes et écailles d’astuces pour économiser de l’énergie.

Pas d’aspirine pour le pic

Cependant, une question demeure : comment le pic ne se fait-il pas mal ? Une étude de février 2018 indique que le cerveau des pics contiendrait une quantité très élevée de protéines tau, des protéines stabilisatrices qui participent au fonctionnement des cellules nerveuses. Si elles sont présentes en trop grand nombre chez l’humain et qu’elles se dissocient des axones, elles peuvent entraîner des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Une accumulation de ces protéines a aussi été observée chez des personnes souffrant d’encéphalopathie traumatique chronique, par exemple chez les sportifs ayant reçu de nombreux chocs à la tête. Les chercheurs ont étudié le cerveau de 10 espèces de picidés et ont trouvé une accumulation de ces protéines tau chez trois spécimens – les autres n’ayant pas été suffisamment bien conservés pour que les résultats soient probants. Ces conclusions indiqueraient donc que les coups portés par les pics auraient bel et bien un effet sur leur cerveau.

Mais Mère Nature a bien fait les choses ! La pression intracrânienne ressentie par les pics est beaucoup plus faible que celle ressentie par un crâne de primate, ce qui augmente la force des coups qu’ils peuvent porter sans souffrir de commotion cérébrale. L’os spongieux présent dans le crâne des pics servirait probablement davantage à offrir une résistance à l’impact plutôt qu’à se déformer pour absorber les chocs.

Une autre étude de 2006 révèle même d’autres avantages qui permettraient aux pics d’éviter les commotions : la petite taille de leur cerveau (ce qui réduit la pression ressentie à chacun des coups portés), la durée d’impact très courte et la position du cerveau dans la boîte crânienne qui augmente la surface de contact entre le crâne et le cerveau. Quoi qu’il en soit, la nature n’a pas fini de nous surprendre !

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