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Reynald Andrin

Elles nous rendront chèvres!

Certains coins de Wallonie regorgent de curiosités et d’espèces uniques, accueillant notamment… des chèvres sauvages ! Bien que très rares, elles ont pourtant marqué le paysage et la vie des lieux où elles s’épanouissent. Zoom sur la Heid des Gattes et son étonnante harde.

A Remouchamps, la vallée de l’Amblève est surplombée par une formation rocheuse impressionnante : la Heid des Gattes. Un nom curieux, qui tire son origine d’un animal non moins original ! En wallon, « gatte » signifie en effet « chèvre ». Mais pourquoi ces caprins ont-ils donné leur nom à cet endroit ? Tout simplement parce qu’ils en sont les emblèmes, et ce depuis toujours. Au Moyen Âge, les troupeaux étaient menés dans de grands pâturages communs itinérants par des bergers, qui gardaient le troupeau de tout le village. C’est dire si les chèvres ont toujours fait partie du paysage de la région ! « Suite à la déprise agricole de la fin des années 1800, les chèvres ont en quelque sorte disparu du paysage », explique Jean-Michel Darcis, conservateur de la réserve de la Heid des Gattes. « Cependant, dans les années 1950, quatre ou cinq individus se sont échappés d’un troupeau domestique et se sont reproduits dans la nature. Les chèvres qui descendent de ces derniers sont désormais sauvages et se débrouillent seules, sans notre aide. »

Un exemple unique

A ce jour, les « gattes » d’Aywaille représentent le seul exemple européen de harde sauvage, un patrimoine extraordinaire qui en fait les chouchoutes de la région. Et elles ont désormais trouvé leur place au sein de la réserve naturelle. Elles participent par exemple à la dissémination de certaines plantes en transportant leurs graines sous leurs sabots ou dans leur pelage. La réserve accueille ainsi la très rare Joubarbe d’Aywaille, une crassulacée présente uniquement dans la région, la superbe Ophrys abeille ou encore la Petite centaurée commune. Côté faune, la région compte aussi de nombreux papillons comme l’Ecaille chinée ou l’Ariane, des salamandres tachetées, des faucons pèlerins, des choucas des tours ou encore des Rougequeues noirs. Sans l’aide des chèvres, ce milieu naturel exceptionnel serait bien différent ! Elles empêchent également le reboisement des milieux ouverts présents au sein de la réserve en grignotant les végétaux. Les espèces végétales et animales de ce biotope si particulier, qui ont besoin du soleil afin de pouvoir se développer, profitent donc de la présence de ces invitées spéciales.

La Heid des Gattes, réserve unique en son genre
La Heid des Gattes, réserve unique en son genre

Bien évidemment, la présence des chèvres peut aussi s’avérer problématique si la population se développe de façon exponentielle. « Si le troupeau devenait trop dense, les épidémies risqueraient de se propager davantage au sein de leur population », ajoute Jean-Michel Darcis. « D’après l’AFSCA, il ne faut pas dépasser les 25-30 individus pour être sûr que le troupeau reste en bonne santé. De plus, la réserve naturelle n’est pas clôturée, ce qui permet naturellement aux chèvres de se déplacer librement, mais aussi de s’aventurer en-dehors, et elles atterrissent parfois dans les jardins des particuliers, où elles peuvent causer des dégâts. La commune a donc un accord tacite avec les agriculteurs de la région, où elle s’engage à maîtriser le nombre de chèvres sauvages pour que les dommages occasionnés soient limités. Troisièmement, si les « gattes » sont utiles pour la conservation des milieux ouverts de la réserve, il ne faut pas qu’elles provoquent un phénomène de surpâturage en détruisant les milieux boisés existants. Leurs excréments représentent certes un engrais naturel, mais celui-ci va favoriser l’apparition des plantes les plus communes au détriment des plantes plus rares ».

Et une solution sur-mesure

En bref : le troupeau doit être maîtrisé pour que les avantages liés à sa présence ne se métamorphosent pas en inconvénients. Mais comment éviter l’abattage des animaux ? Là encore, la commune et son échevine du bien-être animal, vétérinaire de profession, ont trouvé la solution : la stérilisation des boucs. En février 2021, tous les mâles de la harde ont été castrés afin d’éviter la prolifération incontrôlée des chèvres. Mais la harde n’est pas condamnée à disparaître pour autant : certaines femelles, gestantes au moment des opérations, devraient donner naissance en septembre à de jeunes chevreaux en pleine santé. Les gattes d’Aywaille n’ont pas fini de nous émerveiller !

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