La légende de Renart, le goupil urbain
Nous savons depuis longtemps que le renard a fait de la Région de Bruxelles-Capitale son domicile, mais vous ignorez peut-être que ce mammifère est tout sauf craintif. Régulièrement, des photos dévoilent des renards qui s’approchent à quelques mètres des voitures, endormis sous des abris de jardin ou qui se désaltèrent dans des piscines. Pourquoi en sont-ils arrivés là ? Comment cohabiter avec ces « renards de compagnie » ?
Les renards : de vrais opportunistes
Olivier Beck, biologiste pour Bruxelles Environnement, nous raconte l’origine de cette histoire. « Les renards ont toujours été présents dans la forêt de Soignes (au sud-est de Bruxelles). Au début des années 1980, ils ont fait leur apparition dans les quartiers résidentiels bordant la grande forêt de feuillus. Certains d’entre eux ont osé s’aventurer au plus près des habitations et ont vite compris les avantages que leur procurait la proximité des hommes. La ville de Bruxelles est souvent associée à l’agitation, mais les renards y trouvent leur compte. Ils y sont au calme et peuvent facilement se nourrir. De plus, la chasse est interdite dans la région, ce qui réduit le niveau de stress de ces animaux, si du moins ils s’acclimatent à nous ».
Nous facilitons d’ailleurs grandement la vie des goupils. « Les renards sont des opportunistes », explique Koen Van Den Berge de l’INBO (équivalent flamand du DNF). « Ils ne sont pas difficiles et mangent tout ce qu’ils trouvent. La ville héberge souris et rats, des mets qui satisfont les renards au même titre que nos poubelles. Mais ceci n’est pas l’unique explication de leur hausse de population. En réalité, certaines personnes laissent volontairement traîner de la nourriture pour les attirer dans leur jardin. À l’instar des oiseaux et des chats errants, les renards ont eux aussi leur fan-club. Comme les restes de repas sont facilement accessibles, ils vont se comporter différemment et être plus nombreux à occuper le même espace ».
Renard cherche ami
Une abondance de nourriture va donc attirer davantage de renards, ce qui les rendra aussi moins farouches, indique Koen. « Les premiers arrivés sont généralement des jeunes plus intrépides. Ils ont l’air mignon et les résidents laissent des restes à leur disposition afin de pouvoir admirer cette merveille de la nature de plus près. Les renards vont en conclurent que l’homme n’est pas dangereux et qu’il représente au contraire une source de victuailles, ce qui les pousse donc à s’approcher de plus en plus ».
Les photos de notre article montrent effectivement un renard en visite dans un jardin ucclois. Sur celles-ci, l’animal tente un rapprochement avec le photographe, lui renifle la main, se prélasse au soleil à seulement deux mètres de l’objectif et lape l’eau de la piscine inutilisée.
Selon Olivier, « Uccle compte de nombreux espaces verts privés et tout autant de terrains en friche, un environnement parfait pour les renards. La plupart des habitants y sont habitués, mais pendant le confinement, de nombreuses personnes ont passé plus de temps dans leur jardin et ont signalé la présence de renards. Elles n’en croyaient pas leurs yeux ! Cette espèce est encore associée à la nature sauvage. Il est normal de se demander si l’on nage en plein rêve quand on l’aperçoit sur une pelouse ».
Les renards sont-ils les bienvenus en ville ?
Aussi longtemps que le renard pourra vivre sa vie sans être dérangé, nous pourrons parfaitement vivre en harmonie. « Cet animal n’osera jamais attaquer l’homme, mais il paniquera s’il se sent acculé », explique Koen. « Si un jeune curieux s’aventure dans votre véranda et ne retrouve plus le chemin de la sortie, il peut tenter de se défendre. Un animal apeuré qui ne peut pas fuir va chercher à s’échapper par tous les moyens, ce qui peut l’amener à mordre ».
Le renard n’est pas responsable pour autant, souligne Olivier. « Ce sont les hommes qui l’ont habitué à notre présence, mais un renard paniqué reste un animal sauvage, c’est pourquoi nous avons créé des campagnes pour dissuader la population de le nourrir. Il est de toute façon interdit de nourrir les animaux dans les espaces publics tels que les parcs ou la forêt de Soignes. Nous espérons que cette initiative sera reprise aussi dans la sphère privée afin que l’espèce retrouve ses réflexes d’animal sauvage et se méfie de l’homme. Le nombre d’incidents liés à des morsures de renards est en réalité très faible et n’est absolument pas comparable aux accidents occasionnés chaque année par les morsures de chiens ».
Le renard urbain est-il dangereux ?
Ce canidé souffre pourtant d’une mauvaise réputation tenace. À tort, selon Olivier : « Les renards urbains ne sont pas agressifs envers les humains, les chiens ou les chats. Contrairement à ce que l’on prétend, ils ne constituent aucun danger pour la santé publique ».
Koen partage cet avis : « La rage ne constitue plus un risque majeur en Belgique depuis longtemps et des études ont démontré que les cas d’Echinococcus multilocularis, un ver solitaire, sont très rares dans notre pays. De plus, l’hôte intermédiaire de ce parasite, un campagnol bien spécifique, est pratiquement absent des centres urbains ».
Pour plus de précaution, il est recommandé de se laver régulièrement les mains et de nettoyer les légumes provenant du jardin. « Les chiens et les chats peuvent eux aussi être porteurs de nombreuses maladies, les excréments de renard ne sont pas les seuls qui doivent éveiller notre prudence », ajoute Olivier.
Y a-t-il trop de renards en ville ?
Les réponses à cette question varient. Comme c’est le cas dans la nature, le nombre de renards présents dans un environnement est adapté à la place qui leur est dévolue. « Plus il y a de nourriture, plus les renards seront à leur aise », conclut Olivier. « Même si ce constat semble dur, la réduction de la population de renards n’est possible que si les particuliers diminuent les quantités de nourriture qu’ils mettent à leur disposition. Nous n’avons aucune envie de stériliser, de chasser ou même d’abattre les renards, car leur population retrouvera son niveau initial en un rien de temps. C’est ainsi que fonctionne la nature et il en va de même pour le renard urbain ».
