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Le sauvetage de l'Escaut

Le 9 avril, un barrage près de la ville française de Cambrai s’est rompu, entraînant le déversement d’une grande quantité de pulpe de betterave dans l’Escaut. La substance s’est mise à flotter en aval et à aspirer tout l’oxygène de l’eau. Alors que des milliers de poissons morts remontent à la surface en France et en Wallonie, une véritable course contre la montre commence en Flandre. Il faut sauver l’Escaut flamand !

 

Drame en France et en Wallonie

« J’ai commencé à soupçonner que quelque chose de potentiellement grave nous arrivait lorsque les pêcheurs m’ont envoyé de plus en plus de photos de poissons morts dans la partie française de l’Escaut », explique Alain Dillen, biologiste de la pêche à Natuur en Bos. « Nous sommes immédiatement allés voir les Français pour savoir ce qui se passait, mais leur réponse a été plutôt étrange. Ils ont confirmé qu’un déversement avait bien eu lieu, mais que cela ne pouvait pas faire de mal. Nous avons bien été obligés de les croire en continuant de prendre nos propres mesures.

Le 18 avril, nous avons pu, pour la première fois, obtenir une vue objective de la situation suite aux mesures effectuées en Wallonie. Ces analyses nous ont démontré que, lors du passage de la zone contamination, le niveau d’oxygène est passé de 100% à 0% en 3 heures, et qu’il a fallu deux jours et demi pour que la teneur en oxygène revienne à la normale. Pas évident à entendre. Je savais que les conséquences du déversement pouvaient être graves, mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit grave à ce point. La vitesse et la durée de la chute en oxygène signaient l’arrêt de mort de toute vie aquatique. Nos collègues wallons ont fait ce qu’ils ont pu, mais j’estime que 99,8% de la population de poissons de cette zone sont morts suite à ce déversement. »

 

 

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Course contre la montre

« Dès cet instant, c’était le branle-bas de combat en Flandre », explique Dillen. « Nous savions qu’un volume d’eau mortelle d’environ 30 kilomètres de long se déplaçait et que tout le travail acharné de ces dernières années pour améliorer la qualité de l’eau serait annulé dans quelques jours. Le lundi matin 20 avril, le Vlaamse Waterweg (l’agence gouvernementale flamande qui gère les voies navigables) a assumé son rôle de coordination et nous avons élaboré un plan. »

 

Le plan

« Nous savions qu’il était nécessaire d’ajouter de l’oxygène à l’eau, mais nous n’avions pas assez de pompes pour alimenter l’ensemble de l’Escaut. Nous avons donc dû faire des choix difficiles. Nous savions également que les poissons fuiraient la pollution et qu’ils afflueraient vers les marinas et les estuaires des affluents. Nous nous sommes donc stratégiquement positionnés à Kerkhove, Audenarde et Gavere, entre autres. De grandes quantités de poissons se sont retrouvées coincées juste au-dessus des barrages. Nous nous sommes donc mis à pomper de l’oxygène avec l’aide des pompiers, de la protection civile, d’Aquafin, de l’ANB elle-même et de l’Agence Flamande pour l’Environnement.

En outre, Aquafin a annoncé qu’elle disposait de moyens supplémentaires à la station de traitement des eaux d’Audenarde. Cette aide et les efforts de nombreuses personnes sur le terrain qui ont aidé à surveiller les poissons, nettoyer les poissons morts, transférer des poissons sains, pomper, etc. ont permis de rétablir 50% du niveau d’oxygène de l’eau quand la pollution a atteint Zwijnaarde, près de Gand. C’est un niveau que nous atteignons parfois dans des circonstances normales et qui n’est pas mortel pour les poissons. »

 

 

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La situation à l'heure actuelle

Aujourd’hui, la pollution a franchi le Ringvaart à Vinderhoute et se dirige vers le canal Gand-Terneuzen, le moyen le plus rapide de rejoindre l’Escaut occidental puis la mer où elle sera complètement diluée et disparaitra. Mais toute la nappe nocive ne se déversera pas dans le canal, certaines parties continueront à suivre le fleuve lui-même et se retrouveront dans la Zeeschelde. Là, nous comptons sur les zones Sigma pour purifier l’eau. Ce sont, en quelque sorte, d’énormes filtres biologiques pour l’Escaut. En particulier, les écluses le long desquelles l’eau s’écoule dans les zones inondables. Ces écluses fourniront une oxygénation supplémentaire. Mais la présence de surfaces d’eau étendues signifie également que cette peut absorber plus d’oxygène présent dans l’air. Les algues aussi, notamment les diatomées, apportent de l’oxygène supplémentaire dans l’eau, surtout par beau temps.

Il semblerait donc que la Flandre ait réussi à éviter de justesse l’une des plus grandes catastrophes environnementales de l’histoire moderne. «Ce sauvetage a réussi grâce à une excellente collaboration entre différents services et agences», explique Dillen. « Nous étions réellement euphoriques lorsque nous avons constaté que le niveau d’oxygène avait été rétabli juste au-dessus de Gand. Je suis pourtant en proie à un double sentiment, car 90 kilomètres de l’Escaut sont morts. Nous espérons que la migration des poissons de Flandre accélérera le rétablissement de la faune aquatique, mais j’estime qu’il pourrait falloir environ 10 ans pour que les stocks de poissons en Wallonie et en France se rétablissent complètement. »

 

 

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