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Les arbres pratiquent aussi la distanciation sociale

Les arbres ont eux aussi besoin de préserver leur espace vital. Certaines espèces gardent une distance entre elles, notamment au niveau des branches pour éviter la propagation de maladies. On nomme ce phénomène  "la timidité des cimes".

Depuis des mois, une nouvelle expression est apparue dans notre vocabulaire : la distanciation sociale. Pour limiter la propagation du virus, une distance de 1,5 mètre entre chaque personne est exigée. Sur les trottoirs, dans les magasins ou sur le lieu de travail, des marques sont tracées au sol pour nous le rappeler. Une règle aujourd’hui appliquée et connue de tous. Dans la nature, la distanciation sociale peut aussi s’observer.

Chez les arbres, on appelle ce phénomène la « timidité des cimes ». Pour le remarquer, il suffit de lever les yeux au ciel : les frondaisons de certains arbres s’évitent et laissent apparaître des sillons de lumière. Des sortes de frontières se créent naturellement et nous offrent de magnifiques paysages. Chez nous, on peut l’observer chez les quelques chênes verts présents sur notre territoire, cette espèce est plutôt répandue sur le pourtour de la méditerranée. Mais aussi chez les pins, les hêtres ou les châtaigniers. Le résultat de cette séparation des couronnes reste cependant bien plus impressionnantes et fréquentes dans les tropiques, notamment sur le camphrier.

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En botanique, la timidité est décrite comme un phénomène d’allélopathie, soit l’ensemble des interactions biochimiques réalisées par les plantes entre elles.  Cette appellation vient de l’expression anglaise : « crown shyness »,  qui a été étudiée en Australie dans les années 1960. Cet événement a également été analysé par le spécialiste de l’écologie des forêts tropicales et humides et de l’architecture des arbres, Francis Hallé dans son livre L’éloge de l’arbre (Actes Sud, 2005). « Certains arbres de la même espèce, poussant côte à côte, déclenchent un mécanisme qui permet d’éviter que leurs cimes ne se touchent, laissant entre elles une “fente de timidité” d’environ 1 mètre de large. La canopée prend alors l’allure d’un puzzle », écrit le botaniste français.

Quelques hypothèses

Tout porte à croire que les arbres, eux aussi, peuvent exprimer une certaine sensibilité par rapport à ses voisins. Bien que fascinant, ce phénomène n’a pas encore étudié en profondeur. Plusieurs hypothèses sont toutefois mises sur la table pour expliquer ce curieux isolement des branches. Ce qui est certain est que la timidité des cimes est le fruit de multiples causes, plusieurs mécanismes semblent liés entre eux.

Pour certains scientifiques, cette distance physique permettrait de filtrer la lumière et ainsi de faciliter la photosynthèse dont les arbres ont besoin pour leur survie et pour fabriquer de l’énergie. Ces fentes aiderait donc à atteindre les arbres situés en dessous. D’autres avancent que ce phénomène pourrait éviter la propagation de contagions de maladies (tiens, cela nous rappelle quelque chose !). Les arbres d’une même espèce mettrait donc au point cette stratégie pour ne pas contaminer l’ensemble du groupe.

Il se pourrait aussi que cette délimitation d’un certain périmètre dans les couronnes soit une mesure préventive. Lors de coups de vents, le mouvement des branches pourraient abîmer celles qui se trouvent à côté. Les frottements pourraient avoir des conséquences sur l’éclosion des bourgeons et donc sur la croissance de l’arbre. Les espaces vides créés entre les branches pourraient aussi servir de zone d’échange pour les animaux et les graines et ainsi faciliter les déplacements.

Il semblerait également que certaines espèces d’arbres peuvent démontrer une forme de timidité au niveau des racines. Là aussi, elles peuvent soigneusement éviter de se rencontrer. Pour le moment, aucune explication satisfaisante n’a été trouvée par la communauté scientifique.

Pour que de tels labyrinthes se créent, il faut qu’une communication s’établissent entre les arbres. Dans ce cas-ci, les scientifiques estiment que les arbres échangeraient des phytohormones, substances biologiques actives émises par les plantes pour réguler leur développement, pour transmettre des informations.

Les arbres sont reliés par un réseau souterrain complexe composé de champignons vivant dans le sol. Ces derniers peuvent entrer en contact avec les racines des arbres et des plantes. C’est ce que l’on nomme le réseau mycorhizien, qui est essentiel pour la survie et la croissances des arbres mais qui est aussi important pour leur communication. On peut voir ce phénomène comme une sorte de réseau social des écosystèmes.

Même sans système nerveux, les arbres sont capables de percevoir des signaux émis par leur environnement. Ils peuvent comprendre d’où vient la lumière et où trouver les ressources dont ils ont besoin. Ils sont ensuite en mesure de réagir face à ces signaux, comme exposer ses feuilles vers le soleil pour éviter l’ombre ou diriger ses racines vers l’eau.

Une fois encore, la nature prouve son exceptionnelle capacité d’adaptation. A nous d’en prendre bonne note si on espère un jour voir la fin de cette crise sanitaire.

 

La nécessité de la communication

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