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Jardin botanique de Meise

Les banques de graines : un moyen de sauver nos plantes sauvages

Et si... nous disposions d'une invention technologique qui pouvait empêcher nos plantes indigènes de disparaître ? Bonne nouvelle : cette solution existe déjà ! La banque de graines du Jardin botanique de Meise contient de nombreuses espèces menacées qui peuplent (ou peuplaient) notre nature. Grâce à des techniques de conservation adaptées, ces végétaux peuvent être ramenés à la vie et participer à la restauration de la biodiversité de paysages entiers. Mais le temps presse... De plus en plus de plantes sauvages sont sur le point de disparaître. Grâce au projet IZABEL, Natuurpunt accélère grandement la collecte de graines rares.

Le terme « banque de graines » ne doit pas vous être totalement inconnu... N'y aurait-il pas une énorme collection de graines à 1000 km du pôle Nord qui serait cachée dans un bunker souterrain ? « C'est vrai », répond Koen Es, porte-parole du Jardin botanique de Meise. « Cependant, le Global Seed Vault de Spitzberg a été créé pour conserver des graines destinées à l'agriculture – ou leurs parents directs. Il existe aussi la Millennium Seed Bank, ouverte en 2000 à Wakehurst, non loin de Londres. Cette banque de graines a pour but de rassembler autant de plantes sauvages du monde entier que possible. Puis nous avons les banques de graines régionales présentes dans les différents jardins botaniques, à l'instar de celle que nous avons ici. Il s'agit de la seule banque de graines nationale pour les plantes sauvages en Belgique. »

La création de la banque de graines

Ce n'est pas un hasard si notre banque de graines belge se trouve au jardin botanique. « Pour continuer à faire pousser les plantes que nous possédons dans notre collection, nous en récoltons chaque année les graines », poursuit Koen Es. « Nous insistons surtout sur les plantes annuelles, car elles doivent être ressemées chaque année. De plus, les différents jardins botaniques ont pour habitude d'échanger des graines depuis le XIXe siècle. Notre banque de graines s'est donc développée de manière organique à travers l'histoire du Jardin. »

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Jardin botanique de Meise

À présent, cet échange de graines est soumis à des règles très strictes, car les jardins botaniques se concentrent maintenant sur la préservation de la nature et se consacrent davantage à la récolte de graines de plantes sauvages. « Depuis la fin du XXe siècle, la banque de graines représente un véritable matériel de recherches », souligne Koen Es. « Quelles espèces de graines sont présentes ? Comment conserver au mieux leur potentiel de germination ? Comment tester leurs capacités ? Il fallait des réponses à ces questions. Le Réseau européen des banques de graines (ENSCONET) a donc été créé pour que les banques de graines puissent échanger leurs connaissances. Cette science bien spécifique a ainsi atteint un niveau supérieur. »

Un endroit sûr pour conserver les graines

Le Jardin botanique de Meise conserve des plantes locales sauvages de Belgique et du Luxembourg. Pour remplir les objectifs de la Global Strategy of Plant Conservation, le Jardin botanique doit collecter au moins 75 % de nos espèces végétales menacées ex situ – soit dans la banque de graines. Un plan ambitieux... « Notre banque de graines emploie cinq personnes et nous recevons également l'aide de cinq collaborateurs de projet et de bénévoles », ajoute Koen Es. « C'est beaucoup trop peu pour rassembler efficacement des graines, c'est donc la raison pour laquelle nous travaillons en collaboration avec Natuurpunt. Grâce au projet IZABEL (Inzameling van Belgische Plantensoorten, ou Collecte des espèces végétales belges) qui est financé par le gouvernement flamand, nous essayons d'accélérer les choses pour atteindre cet objectif de 75 %. »

Le projet se concentre sur environ 500 espèces qui figurent sur la liste rouge des espèces menacées. Depuis un an, des bénévoles expérimentés de Natuurpunt s'occupent activement de collecter rapidement les graines de ces espèces en Flandre et de les mettre en sécurité pour l'avenir.

« Quand on sait que 40 % des 1300 espèces végétales sauvages qui peuplent la Flandre sont menacées et que 5 % d'entre elles ont même totalement disparu, il est évident que nous avons du pain sur la planche », ajoute Koen Es. « À l'avenir, nous allons étendre ce projet de l'autre côté de la frontière linguistique, car la Wallonie compte encore quelques espèces menacées qui ne sont plus présentes en Flandre. »

La collecte de graines : guide de l'utilisateur

C'est là qu'intervient l'expertise de Natuurpunt et de ses nombreux bénévoles. Annelies Jacobs, chercheuse chez Natuurpunt, nous éclaire : « De nombreuses personnes connaissent les plantes sauvages les plus fréquentes au sein de notre nature, mais il existe aussi des espèces vulnérables qui ont connu un fort déclin au cours des dernières années. Depuis 2008, Natuurpunt a développé une base de données via la plateforme citoyenne observations.be, qui rassemble les observations naturelles de nombreux bénévoles. De cette façon, nous savons où retrouver les populations belges les plus importantes des espèces vulnérables. La conservation des plantes sauvages se fait d'abord sur le terrain grâce à des actions de préservation ciblées et des mesures de protection. »

La collecte des graines peut être une ultime tentative de sauvetage pour éviter que certaines espèces ne disparaissent pour de bon. « La prochaine étape vise donc à collecter les bonnes graines au bon moment avec l'aide d'une cinquantaine de bénévoles répartis sur toute la Flandre. Ces derniers ont beaucoup de connaissances sur les plantes qui poussent dans leur voisinage ou dans les zones naturelles », explique Annelies Jacobs.

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Jardin botanique de Meise

Mais que sont au juste les « bonnes » graines ? Quelles plantes sont concernées par les actions de collecte du projet IZABEL ? Annelies Jacobs : « Ce terme regroupe d'abord les plantes qui rencontrent déjà des problèmes ou qui menacent de disparaître, comme le cirse anglais ; celles-ci sont déjà sur la célèbre liste rouge. Nous nous occupons ensuite également des plantes qui se portent encore relativement bien, mais dont nous craignons de voir les populations décliner au cours des dix prochaines années, comme la campanule à feuilles rondes. Si nous récoltons déjà leur matériel génétique aujourd'hui, il sera encore de bonne qualité et nous pourrons l'utiliser à l'avenir pour renforcer des populations ou les (ré)introduire dans le cadre d'actions de restauration de la nature quand cela sera nécessaire. Nous collectons en outre des graines réparties sur différents endroits en Flandre pour chaque espèce afin de disposer d'une sélection provenant de biotopes différents, de la côte au Limbourg, et nous pouvons utiliser du matériel génétique qui correspond par exemple mieux aux conditions écologiques ou géographiques de l'habitat en question. »

Des découvertes anciennes et nouvelles

Le travail des bénévoles de Natuurpunt et les observations de leur base de données ne sont pas les seuls facteurs qui supportent le projet IZABEL. « Il y a quelques années, je suis tombée sur des traces du grand polycnème grâce à l'herbier digital du Jardin botanique », raconte Annelies Jacobs. « Cette plante était prétendument disparue en Belgique, mais était en réalité présente à l'endroit où elle avait été découverte il y a 152 ans. Ce genre de découvertes confirme que cela vaut la peine de passer au peigne fin les régions connues à la recherche de nouvelles – ou plutôt ici, d'anciennes – espèces. »

Il est en théorie possible de découvrir de nouvelles espèces végétales dans notre pays, même s'il s'agit souvent de «nouvelles venues» ou d'espèces exotiques importées de l'étranger, par exemple via le transport de matériaux de construction. De nouvelles études scientifiques (comme des analyses génétiques) peuvent aussi révéler qu'une plante indigène connue ressemble à une autre espèce que ce que nous croyions, ou que nous avions eu affaire à une plante très similaire pendant toutes ces années. La Stellaria ruderalis et les cinq espèces de draves printanières de Belgique qui n'ont été que récemment classifiées en différentes espèces en sont de parfaits exemples. « Comme nous étudions toutes les espèces végétales sauvages depuis plus de cent ans, on pourrait penser qu'il n'existe que peu de chances de tomber sur une nouvelle espèce indigène inconnue », explique Koen Es, « mais le monde est plein de surprises. »

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Jardin botanique de Meise

De la restauration à la réintroduction

« La création d'une banque de graines n'est en fait pas une bonne nouvelle », souligne Annelies Jacobs. « Nous ne nous sommes pas lancés parce que nous trouvions une espèce végétale belle et que nous souhaitions la voir davantage dans nos paysages. La création de ce projet signifie surtout que la nature est mal en point dans beaucoup d'endroits. Nos écosystèmes sont sous pression, des espèces typiques de notre pays disparaissent et cette banque de graines est notre dernier espoir. Certaines espèces, par exemple les végétaux des champs tels que le bleuet sauvage ou la renoncule des champs, rencontrent beaucoup de difficultés aujourd'hui, car leur habitat est détruit peu à peu. Nous devons donc chercher un moyen de restaurer cet habitat en le reconstruisant petit à petit, non parce que ces fleurs sont jolies, mais parce qu'elles font partie d'un écosystème complexe et varié qui s'écroulera avec la disparition de sa flore. »

Pour restaurer et aider ces populations vulnérables avec succès, il est essentiel de conserver une diversité génétique suffisante dans la banque de graines. Mais collecter des graines au hasard dans la nature, serait-ce une fausse bonne idée ? «En effet», affirme Annelies Jacobs, « les mélanges de graines vendus en magasins de jardinage sont généralement très éloignés d'un point de vue génétique des plantes sauvages qui peuplent nos accotements, prairies et champs. Leur matériel génétique provient souvent de l'étranger ou a été sélectionné sur des générations pour conserver les caractéristiques que nous trouvons attrayantes. Ces mélanges sont donc génétiquement pauvres et ne sont par conséquent adaptés ni aux conditions locales de notre nature, ni aux insectes qui vont leur rendre visite. Vous ne pouvez par exemple pas relâcher un chihuahua dans la nature et affirmer que vous avez réintroduit un loup, n'est-ce pas? (rires) »

« Nous avons en outre besoin non seulement de graines authentiques de populations indigènes, mais aussi d'un cadre et d'un plan réfléchi pour atteindre nos objectifs », poursuit Annelies Jacobs. « Notre nature est comme une maison en brique, à la différence qu'elle est constituée de plusieurs espèces de plantes, d'animaux... Plus les briques seront nombreuses à tomber, plus la maison sera fragilisée. Le but est d'offrir les meilleures chances possible aux populations et à leurs habitats pour que les écosystèmes puissent être restaurés. »
 

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Jardin botanique de Meise

Se prendre pour Dieu

Si certaines populations rencontrent des difficultés à cause de la destruction de leur habitat, il faut évidemment prendre garde à ne pas faire mourir lesdites populations en récoltant (trop) de graines. « Nous mettons un point d'honneur à ne jamais récolter plus de 20 % des graines au sein de chaque population, surtout pour les plus fragiles », explique Koen Es, « et ce afin de ne pas les mettre sous pression. Le point le plus important est que nous les empêchions d'atteindre un seuil critique afin qu'elles puissent se maintenir sans aide dans la nature. » « Notre but n'est pas de récolter des graines au hasard dans toute la Flandre », ajoute Annelies. « Nous travaillons selon un protocole scientifique strict et uniquement avec des bénévoles, des groupes de travail et des gestionnaires de terrains formés. Nous mettons ainsi à contribution toutes les connaissances disponibles pour mieux protéger les plantes et leurs habitats. »

Le contenu de la banque de graines peut aussi accomplir des miracles en ressuscitant des espèces disparues et en les réintroduisant dans le paysage. Les graines séchées et conservées au frais peuvent garder leur potentiel de germination pendant plus de cent ans. Et si ces actions revenaient à se prendre pour Dieu ? « On pourrait dire ça comme ça », acquiesce Koen Es. « Nous avons déjà agi de la sorte avec le brome des Ardennes, la seule espèce végétale endémique de Belgique. Cette espèce de graminée qui poussait autrefois dans les champs d'épeautre a disparu en 1935. Mais en 2010, nous l'avons ramenée à la vie grâce à d'anciennes graines que nous avons fait germer. Depuis, il y a eu plusieurs tentatives de réintroduction du brome des Ardennes en Ardenne. »

« Le point le plus important est de ne pas raviver une espèce sans réfléchir », conclut Annelies Jacobs. « Il faut d'abord que plusieurs conditions spécifiques soient réunies : l'habitat de l'espèce doit avoir été restauré et le végétal doit avoir des perspectives d'avenir. Une réintroduction fait partie de la restauration d'un écosystème entier, avec tous les processus écologiques et les espèces qui y sont liées. Nous voulons donner à notre nature toutes ses chances, même si c'est petit à petit. »

L'avenir du projet IZABEL

L'avenir du projet IZABEL

En principe, le projet IZABEL se poursuivra jusqu'à la fin de l'année 2023. D'ici là, la banque de graines du Jardin botanique de Meise devrait avoir collecté 1200 plantes indigènes sauvages, même si ce travail n'est en réalité jamais terminé. Dans les dix années à venir, d'autres espèces se retrouveront sur la liste rouge et auront bien besoin de notre aide.

Vous désirez en savoir plus ? Rendez-vous sur le site de Natuurpunt (en néerlandais uniquement).

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