Pourquoi les poissons nagent-ils en bancs?
Vos enfants brûlent-ils d'impatience de reprendre le chemin de l'école ou appréhendent-ils au contraire les premiers contacts avec leur nouvelle classe ? Nombreux sont nos poissons qui trouvent normal de se rassembler en bancs avec leurs congénères. Mais ces bancs ne leur servent pas à s'asseoir pendant qu'ils apprennent leurs leçons : ils les protègent contre le harcèlement sous-marin. Et leur formation est un rien plus ordonnée que celle d'une classe !
Des acrobaties sans heurt
Les bancs de poissons donnent souvent lieu à de superbes images. La synchronisation de milliers – voire de millions – de poissons qui nagent en rangs serrés demande la maîtrise de sacrées acrobaties sous-marines. On pourrait penser qu'une organisation aussi complexe ne peut être réglée que grâce à une hiérarchie stricte, des ordres clairs ou l'utilisation de clignotants invisibles, mais il n'en est rien... Un poisson en plein milieu d'un banc n'a aucune idée de l'endroit précis où il se trouve au sein de la structure. Il ne fait que tenter de garder la même distance avec ses congénères lorsqu'ils nagent. Il n'existe aucun « coordinateur » qui règle la circulation ou se charge de mener les autres sur la bonne voie. Si un poisson décide soudainement de changer de direction, tous les autres le suivent aveuglément.
Comment font-ils pour ne pas se bousculer régulièrement ? Cela peut évidemment arriver, mais les poissons parviennent généralement à éviter les collisions, car la plupart d'entre eux disposent de réflexes affûtés et peuvent donc s'adapter rapidement à toute modification de direction de leurs camarades. Ils peuvent pour cela compter sur leur vue et leur ouïe presque parfaites, mais également sur leur ligne latérale – un organe ultra-sensible qui court sur tout leur flanc et leur permet de percevoir le moindre mouvement ou la moindre vibration dans l'eau. Ils enregistrent ainsi les mouvements des poissons qui nagent à côté, au-dessus et en-dessous et peuvent réagir plus vite que l'éclair si l'un d'entre eux change sa trajectoire. Et l'initiateur du changement n'est pas forcément le plus proche, il peut simplement s'agir du poisson le plus visible.
L'union fait la force
Les poissons n'ont peut-être pas conscience de leur incroyable performance, mais leur coordination parfaite et les mouvements synchronisés de leur banc donnent l'impression qu'un seul organisme évolue dans l'eau. Cette illusion n'est pas le fruit du hasard mais sert à éloigner leurs prédateurs naturels. Les énormes bancs de poissons ne sont pas seulement impressionnants et intimidants, ils empêchent aussi les prédateurs d'isoler un seul individu et de le capturer pour leur servir de dîner. Si un animal tente tout de même de les attaquer, il risque d'être déboussolé par le tourbillon de nageoires et d'écailles qui bouge devant ses yeux. La manœuvre défensive ultime !
Quand les poissons recherchent leur nourriture, ils forment un gigantesque banc qui peut se diviser en plus petits groupes dès qu'ils se sentent en sécurité. Plus il y a d'yeux, plus la nourriture est facile à repérer ! Un groupe aura également plus de chances d'encercler une proie et de la prendre de court. Un danger guette ? Les petits groupes se rassemblent alors et reforment un tout menaçant. Des études prouvent qu'un poisson qui s'écarte ou s'isole de son banc sera plus agité et respirera plus rapidement. Dès qu'il retrouve ses camarades, il se calme et ne montre plus aucun signe d'agitation.
Les bancs sont aussi intéressants au point de vue de la reproduction. A l'instar des moustiques, les poissons rencontrent plus facilement un.e partenaire quand ils « draguent » ensemble. La recherche d'un compagnon ou d'une compagne en grands groupes est plus fructueuse que lorsqu'un poisson jette son dévolu sur un.e solitaire qui trace son chemin à travers les eaux.
L'hydrodynamique des bancs
Nager en banc permet donc de se sentir davantage en sécurité, mais pour parcourir de grandes distances (par exemple lors des migrations), mieux vaut un peu d'harmonie. Quand un groupe de poissons souhaite accélérer le mouvement sans dépenser trop d'énergie, il adapte la forme du banc afin de créer une forme hydrodynamique. Le processus exact de cette formation a été découvert par un projet de l'université allemande de Constance développé à partir de robots. Il en ressort que les poissons utilisent intelligemment les courants créés par leurs compagnons situés devant eux et adaptent les mouvements de leur tête et de leur queue en conséquence – un phénomène appelé « vortex phase matching ». Un poisson qui nage en banc économise donc davantage d'énergie qu'un individu solitaire. Cette formation peut être comparée à un peloton où les cyclistes rencontrent moins de difficultés que lorsqu'ils sont seuls en tête de la course.
Bien évidemment, tous les bancs de poissons ne sont pas à mettre dans le même sac. Leur comportement dépend de plusieurs facteurs, par exemple la taille et la densité du banc, la distance entre les poissons et leur positionnement par rapport à leur voisin le plus proche... Chaque poisson peut changer d'action à tout moment. Difficile d'appliquer un modèle mathématique à leur comportement ! Nous pouvons cependant beaucoup apprendre des mouvements des bancs de poissons, et les observations scientifiques servent ainsi de bases à des théories sur les comportements grégaires des animaux, depuis les vols d'étourneaux jusqu'aux nuées de sauterelles.