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Lars Soerink

Ruminants et espaces naturels

Avec la pression grandissante sur notre nature, nous essayons tous de nous mettre aux méthodes de gestion plus écologiques. Pour les zones naturelles, la tendance est aussi au vert, car nombreuses sont les régions gérées grâce aux ruminants. Nous avons interviewé Jean-Claude Adam, Chef du Cantonnement du Département de la Nature et des Forêts à Vielsalm.

Quels animaux vous aident à gérer les zones naturelles et comment les choisissez-vous ?

Jean-Claude Adam : « Nous avons plusieurs types d’animaux qui sont mis en pâturage dans les zones naturelles ; il peut s’agir de bovins, de chevaux, de moutons ou encore de chèvres. Plusieurs critères entrent en compte dans notre choix, et l’un des plus importants est le type du milieu que nous devons gérer : si la station est très humide, nous allons par exemple nous diriger vers des bovidés qui sont moins sensibles que les chevaux. Les zones plus abruptes et les pierriers sont en revanche plus adaptés aux moutons. C’est ainsi que nous avons opté pour des vaches Galloway et des chevaux Fjord dans la réserve naturelle des prés de la Lienne,  pour des moutons sur le Plateau des Tailles et pour des moutons ainsi que des chèvres pour la réserve domaniale du Thier des Carrières.

La Région wallonne ne dispose pas de bétail qui lui est propre et nous travaillons donc avec des agriculteurs locaux. Nous nous basons ensuite sur les opportunités dont nous disposons avec ces derniers en fonction des animaux qu’ils possèdent et de leurs disponibilités, car il est important que nous puissions compter sur des personnes capables d’organiser le travail. Parfois, les animaux sont laissés en pâturage en liberté, mais ils peuvent aussi être emmenés par l’agriculteur dans les endroits les plus appropriés. Il arrive que nous devions faire des compromis sur les modalités de pâturage pour pouvoir organiser cette gestion. »

Comment sont gérés les animaux ? Sont-ils en pâture toute l’année ?

« Nous fonctionnons par conventions. Nous en avons une vingtaine différentes, avec certains animaux qui restent sur place tout au long de l’année, d’autres qui sont placés sur des zones par tournantes en fonction des périodes. Pour la plupart, il s’agit de pâturages tardifs. Les avantages de cette méthode sont multiples. En ne plaçant pas les animaux avant le 1er juillet – au plus tôt – nous permettons à la végétation de se développer, grâce à quoi toutes les espèces présentes sur le site peuvent fleurir et se réensemencer. Autre point important : nous ne dégradons pas les milieux de reproduction des petits mammifères et les lieux de nidification des oiseaux en mettant les animaux en pâture trop tôt dans la période de végétation. La biodiversité a donc beaucoup plus de chances de se développer. »

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Cette question semble évidente, mais quels sont les avantages qu’offrent les ruminants dans la gestion des espaces naturels ?

« Ils permettent d’abord de réduire très fortement les coûts : si nous devons faire appel à des ouvriers ou à des marchés publics de travaux, nous devons évidemment engager des moyens financiers. Avec les conventions que nous mettons en place, les propriétaires de bétail nous mettent gratuitement leurs animaux à disposition tout en profitant du pâturage, même s’ils ont quelques obligations à respecter dans ce cadre. Ils bénéficient en outre des Mesures Agri Environnementales, des méthodes favorables à la protection de l'environnement, à la conservation du patrimoine et au maintien des paysages pour lesquelles ils reçoivent une rémunération cofinancée par l'Europe.

Le fait de travailler avec des locaux les implique ensuite dans la gestion des espaces naturels de leur région. Ils sont souvent conscients qu’il existe une zone naturelle près de chez eux, mais ils ne sont pas toujours sensibilisés aux alternatives plus écologiques. En étant directement concernés par la conservation de la nature, certains agriculteurs se lancent dans le bio ou dans des méthodes de gestion alternatives plus respectueuses de l’environnement, car ils constatent que nous n’utilisons ni pesticides, ni travaux de sol. Certains se détachent donc de l’agriculture intensive grâce à cette gestion participative.

Là où les animaux paissent, ils exercent une pression continue sur les arbustes et les empêchent de pousser ; sans eux, certains milieux ouverts se transformeraient à terme en forêts et nous perdrions alors la biodiversité qu’ils accueillent. Nous n’arriverions pas au même résultat en fauchant manuellement, car le résultat serait très homogène alors que le pâturage est plus sélectif, permettant donc à une plus grande variété de végétaux de se développer. »

Avec qui vous travaillez-vous principalement ?

« Généralement, nous faisons des appels à concurrence pour trouver des candidats. Nous travaillons donc avec des personnes que nous trouvons grâce au cadastre des communes, et il s’agit donc le plus souvent d’agriculteurs. Il se peut cependant que nous approchions des particuliers qui possèdent quelques chevaux, mais comme nous devons passer par le registre communal, ce cas de figure est très rare. Parfois, certaines associations de protection de la nature possèdent des animaux et nous les mettent en prêt, ou nous passons des conventions avec des organismes agréés et nous trouvons des arrangements. »

Quels sont les critères qui définissent les différentes conventions avec les propriétaires de bétail ?

« Les conventions varient selon les dates de démarrages et de fin de pâturage, mais aussi en fonction de la charge à l’hectare. Nous utilisons l’UGB, c’est-à-dire l’unité de gros bétail qui détermine le nombre maximal d’animaux que l’on peut placer par hectare en fonction du type d’animal, car une vache n’a évidemment pas les mêmes besoins nutritionnels qu’une chèvre. Il arrive aussi que nous imposions un type d’animal en fonction du milieu à gérer, ce qui nous aide à réduire le nombre de personnes à approcher en fonction des critères qu’elles remplissent. »

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Stijn Smits

Avez-vous des projets pour l’avenir ?

« Il faut savoir que les grandes zones sont déjà couvertes par ce type de gestion ; nous nous contentons donc généralement de renouveler les conventions. Elles sont valables 5 ans et peuvent être renouvelées deux fois si l’agriculteur est d’accord de remettre ses bêtes en pâturage. Quand cette période de 15 ans est terminée – ou dans les rares cas où le propriétaire des animaux refuse de reconduire l’accord – nous repassons par le registre communal pour trouver une nouvelle personne apte à gérer la zone naturelle suite à un appel à la concurrence. Les propriétaires d’animaux se voient attribuer des points selon le nombre de critères qu’ils remplissent et il se peut donc techniquement que nous faisions appel à la même personne, mais nous devons dans tous les cas refaire un appel au terme des quinze ans. »

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