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Yves Adams

Une oie n'est pas l'autre

On ne peut nier que les oies sont omniprésentes dans notre culture. Chez les Romains, elles avaient le statut d'héroïnes, après que leurs cris ont sauvé la ville d'une attaque de Gaulois. Les plumes d'oies ont aussi été utilisées pendant des siècles pour décorer les flèches, garnir les oreillers et écrire. En outre, le Jeu de l'Oie est aujourd'hui l'un des jeux de société les plus populaires dans le monde, et les oies sont sources de toutes sortes de mets délicats, comme le – controversé – foie gras, leurs œufs et leur viande, moins consommée. Néanmoins, nos oies sauvages et leurs plumages variés ne sont pas aussi célèbres. Il est temps de mettre toutes ces espèces en lumière !

En principe, la Belgique compte douze espèces d'oies, dont six sont indigènes et sont plus ou moins régulièrement aperçues en fonction de la saison : l'oie cendrée, la bernache cravant, la bernache nonnette, l'oie rieuse, l'oie à bec court et l'oie des moissons. Trois de nos douze espèces sont exotiques ou exogènes et ont réussi à s'installer en Belgique avec succès : l'ouette d'Égypte, la bernache du Canada et l'oie à tête barrée. En hiver, les plus chanceux pourront aussi admirer trois espèces rares : la bernache à cou roux, l'oie des neiges et l'oie naine.

Pour être précis, les oies sont des oiseaux migrateurs et sont souvent divisées entre les oies d'hiver (migratrices) et les oies d'été (sédentaires). Les oies d'hiver nichent dans le nord de l'Europe et arrivent dans nos contrées en automne pour y passer l'hiver, tandis que les oies d'été restent chez nous toute l'année.

Nos oies indigènes

L'oie cendrée

L'oie cendrée est notre plus grande espèce et doit son nom à son plumage gris. Elle présente un grand bec orange et des pattes de la même couleur. Cette espèces a disparu de notre pays au XIXe siècle, mais a trouvé – mieux : a obtenu – une seconde chance suite à sa réintroduction réussie dans le Zwin, où la population augmente fortement. Les oies cendrées nichent en Europe occidentale, centrale et septentrionale et passent l'hiver en Europe centrale ou en Afrique du Nord. Elles peuvent donc être aperçues chez nous toute l'année. Nos oies domestiques descendent pour la plupart des oies cendrées.

L'oie rieuse

L'oie rieuse, de couleur brun-gris, présente des plumes blanches (onglet) autour de son bec. Les lignes transversales noires irrégulières qui traversent sa poitrine la distinguent des autres espèces. Cette oie migratrice est la reine de la formation en V, qu'elle utilise pour quitter sa Sibérie natale et rejoindre nos régions en hiver.

À gauche : oie cendrée, à droite : oie rieuse
Yves Adams
À gauche : oie cendrée, à droite : oie rieuse

La bernache nonnette

Cette petite oie noire et blanche est reconnaissable à son masque blanc ou crème. Elle a probablement reçu son nom à cause de sa poitrine et de sa calotte noires, qui rappellent la robe des nonnes. Les plumes gris-bleu striées de noir et de blanc donnent au ciel une teinte lavande quand un groupe le traverse. Chaque année, des bernaches nonnettes nichent en Belgique, même si l'espèce est surtout une espèce migratrice qui ne vit chez nous qu'en hiver.

La bernache cravant

La bernache cravant est une petite oie ronde au bec, à la tête, au cou, à la poitrine et aux pattes noirs. Le reste de son corps est gris clair et les adultes ont une tache blanche sur le cou. Le cri des bernaches cravants est plutôt bas et ressemble à « cro-cro-cro ». Cet oiseau niche dans la toundra sibérienne et passe l'hiver en Belgique, surtout à la côte, ce qui la classe dans la catégorie des oies d'hiver.

À gauche : bernache nonnette , à droite : bernache cravant
Lars Soerink, Yves Adams
À gauche : bernache nonnette , à droite : bernache cravant

L'oie à bec court et l'oie des moissons

L'oie des moissons et l'oie à bec court sont deux espèces migratrices qui nichent en Europe du Nord et qui peuvent être aperçues chez nous en hiver. Ces deux oies ont une tête brune, un bec noir, un dos foncé et un ventre plus clair. L'oie à bec court est un rien plus petite et ses pattes et la tache sur son bec tirent plus sur le rose que sur l'orange. L'oie des moissons est parfois séparée en deux groupes : l'oie de la taïga et celle de la toundra. Le bec de cette dernière comporte plus de noir que d'orange.

À gauche : oie à bec court, à droite : oie des moissons de la taïga
Yves Adams
À gauche : oie à bec court, à droite : oie des moissons de la taïga

Le petit train familial

Les oies sont monogames : elles forment un couple pour la vie. Pendant la période d'accouplement, elles fabriquent un nid au sol et le recouvrent de duvet. La femelle y pond ses œufs. Contrairement aux petits des passereaux, qui naissent nus et sans défense, les oies sont nidifuges : elles naissent couvertes de duvet et ont les yeux ouverts. Elles peuvent marcher, nager et manger seules très rapidement. Instinctivement, les bébés oies considèrent le premier objet en mouvement comme leur mère, ne faisant ainsi aucune différence entre les autres espèces animales ou même les objets inanimés comme les petits trains et leur propre espèce.

Les oies exotiques

L'oie à tête barrée

Cette oie exotique de couleur claire au cou noir et aux pattes et bec jaunes est originaire des plateaux de Chine, du Tibet et de la Mongolie. L'hiver, elle survole l'Himalaya en direction de l'Inde. L'oie à tête barrée a commencé à s'installer chez nous suite à la fuite de plusieurs spécimens élevés en volières. Il s'agit de l'un des seuls oiseaux capables de survoler le mont Everest (8848 m) ! Pour accomplir cet exploit, l'oie à tête barrée s'est adaptée à l'air froid et pauvre en oxygène qui règne sur les hauteurs : ses plumes sont plus grandes et le taux d'oxygène dans son sang est plus élevé que celui des autres oies.

Oie à tête barrée
Rollin Verlinde
Oie à tête barrée

L'ouette d'Égypte

L'ouette d'Égypte semble porter des lunettes brunes et provient du sud du Sahara et de la vallée du Jourdain. Elle se retrouve aussi le long de la vallée du Nil, où les Égyptiens la considéraient comme sacrée et la représentaient souvent. Elle apparaît en Belgique depuis les années 1960, date à laquelle quelques exemplaires se sont échappés et se sont implantés dans la nature, où ils sont devenus des oiseaux sédentaires. Les ouettes d'Égypte sont très territoriales et peuvent se montrer agressives. Elles bâtissent leur nid dans les arbres creux, d'où les petits se laissent tomber sans se blesser. Même si les ouettes d'Égypte sont techniquement des Tadorninés, elles sont souvent reprises dans la catégorie des oies.

La bernache du Canada

La bernache du Canada vivait à l'origine uniquement en Amérique du Nord, mais quelques spécimens ont été relâchés dans les années 1970 en Suède et en Grande-Bretagne pour être chassés ou pour être placés dans des parcs. La bernache du Canada s'est ensuite implantée en Europe et a atteint la Belgique. Aujourd'hui, l'espèce est un oiseau sédentaire et est présente dans presque toutes les zones aquatiques. Le long cou noir de cette espèce exotique lui donne de faux airs de cygne.

À gauche : un couple d'ouettes d'Égypte, à droite : une bernache du Canada
Yves Adams
À gauche : un couple d'ouettes d'Égypte, à droite : une bernache du Canada

Formation en V et mue

Comme l'hiver est une saison trop froide pour qu'elles puissent survivre, de nombreuses oies migrent en grands groupes à l'automne et quittent leur zone de nidification dans le nord pour se rendre dans nos contrées plus tempérées. Pour accomplir le plus facilement possible cette migration automnale de plus de dix mille kilomètres, les oies troquent leurs anciennes grandes rémiges pour de nouveaux exemplaires. Ce processus de mue demande du temps, ce qui les empêche de voler pendant un mois avant leur départ vers le sud. Une fois parties, la plupart des oies volent en formation en V et utilisent les courants que les premières de la formation créent. Elles économisent ainsi de l'énergie et peuvent voler pendant plus longtemps. Après l'hiver, elles retournent vers le nord pour y nicher pendant l'été. La mue recommence à l'automne suivant et le cycle se répète.

Les espèces rares

La bernache à cou roux, l'oie des neiges et l'oie naine

Parmi ces trois espèces migratrices rares, la bernache à cou roux et l'oie des neiges sont particulièrement faciles à identifier. Les joues, le cou et la poitrine roux foncé de la bernache à cou roux en font la plus belle de nos oies indigènes. L'oie des neiges immaculée a aussi des cousines plus foncées qui ne sont pas aussi aisées à repérer. L'oie naine, moins facile à identifier, ressemble à une oie rieuse miniature mais présente souvent un cercle jaune vif autour des yeux. 

À gauche : la bernache à cou roux, au centre : l'oie des neiges, à droite : l'oie naine
Lars Soerink, Rollin Verlinde
À gauche : la bernache à cou roux, au centre : l'oie des neiges, à droite : l'oie naine

Les oies : des rabat-joie ?

Les oies ne sont pas toujours bienvenues partout. Comme leur menu est principalement composé de végétaux, elles peuvent occasionner des dégâts aux champs et prairies. Les espèces dont les populations ont fortement augmenté ces dernières années, comme l'oie cendrée, la bernache du Canada et la bernache nonnette, peuvent être désastreuses. L'ouette d'Égypte est quant à elle considérée comme une espèce envahissante, car elle perturbe les écosystèmes locaux et les déséquilibre. Les mesures préventives telles que clôturer les parcelles agricoles et les zones naturelles pour les protéger ne sont pas toujours suffisantes. Résultat ? Les oies sont chassées ou attrapées puis gazées. Actuellement, les oies cendrées, les bernaches du Canada, les bernaches nonnettes et les ouettes d'Égypte peuvent être chassées.

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