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Yves Adams

Le biomimétisme: quand la nature inspire

Avec 3,8 milliards d'année d'évolution et de sélection naturelle à son actif, la nature dispose d'un arsenal de solutions efficaces et durables pour résoudre toutes sortes de problèmes. Son ingéniosité remarquable permet aux espèces de survivre dans les circonstances les plus diverses. Les variations de comportements spécifiques et de caractéristiques physiques sont donc presqu'infinies. Il n'est donc pas illogique que les inventeurs se soient inspirés de la nature depuis des siècles pour développer de nouvelles technologies. Et ce processus porte même un nom : la biomimétique, une science qui tente d'imiter le génie de la nature et de l'appliquer aux activités humaines de manière efficace et durable. Dans cet article, nous verrons ensemble certaines de ces inventions.

Pour commencer par un exemple type de biomimétisme, revenons à la Florence du XVe siècle et au génie des génies: Léonard de Vinci. Cet Italien était plein de ressources – ce n'est pas pour rien s'il représente l'exemple parfait du génie universel. En plus d'être philosophe, physicien et artiste, de Vinci était un inventeur surdoué qui rêvait du jour où l'homme pourrait voler. Avec ce but en tête, il étudia le vol et l'anatomie des oiseaux et imagina l'ornithoptère, de grandes ailes qui pourraient battre à l'aide de leviers et de mouvements de jambes. Même si son modèle original n'a jamais été construit  – du moins pas avant une optimisation par d'autres inventeurs –, il prouve que la nature, ses formes, ses matériaux et ses écosystèmes peuvent inspirer l'homme.

Les oiseaux, un exemple parfait

L'ornithoptère de Léonard de Vinci n'est pas la seule invention qui s'est inspirée des oiseaux. Le plongeon parfaitement exécuté du martin-pêcheur est à l'origine des trains à grande vitesse imaginés par les ingénieurs japonais, qui ont conçu un « bec » aérodynamique pour leurs véhicules. Avec ce design, ces trains sont plus rapides, plus silencieux et moins énergivores. Les scientifiques et ingénieurs ont également étudié le vol des martinets et des colibris pour optimiser les avions et les drones. Ces deux espèces sont de vrais acrobates aériens : les martinets vivent littéralement dans le ciel – et vont même jusqu'à y dormir et y manger – tandis que les colibris sont incapables de rester en place tout en ayant la capacité de voler latéralement et vers l'arrière. Ils représentent donc l'équivalent des boomerangs et des hélicoptères du règne animal. Les superbes couleurs de certains plumages ont aussi donné des idées aux scientifiques. La recherche de colorants écologiques s'inspire par exemple de la structure et des pigments présents dans les plumes, comme celles du paon.

De gauche à droite : martin-pêcheur, martinet, colibri jacobin et plumes de paon
Yves Adams, Bert Willaert, Lars Soerink
De gauche à droite : martin-pêcheur, martinet, colibri jacobin et plumes de paon

L'orgueil précède la chute

L'ingéniosité de la nature peut servir d'inspiration mais n'est pas toujours facile à reproduire, comme l'a découvert l'architecte et inventeur grec Dédale. Lors de son ultime tentative pour s'échapper de Crète, où il était retenu prisonnier avec son fils Icare, il fabriqua une paire d'ailes à base de plumes et de bois. Il se basa sur les ailes des oiseaux et plaça les plumes en arc-de-cercle, les fixant à l'aide de cire. Père et fils s'élevèrent dans les airs pour retrouver leur liberté et commencèrent leur voyage aérien au-dessus de la mer Égée. Quand Icare ignora les avertissements de son père et tenta de voler de plus en plus haut, son destin fut scellé. La cire présente sur les ailes n'était en effet pas protégée de la chaleur du soleil, dont Icare s'approchait, et elle fondit. Les ailes tombèrent en mille morceaux et le jeune homme tomba dans la mer... Ne soyez donc jamais trop sûr.e de vous !

Nageoires de baleines et plumes de chouettes

Le vrombissement constant des éoliennes peut parfois empêcher les habitants des quartiers non loin de dormir. Heureusement, la biomimétique s'est attaquée aux problèmes causés par ces géants de fer et a trouvé une solution en s'inspirant des protubérances présentes sur les nageoires des baleines à bosse. Ces petites excroissances permettent à la baleine de résister davantage à la pression de l'eau quand elle nage et de mieux manœuvrer. Les scientifiques ont ajouté des irrégularités similaires sur les pales des éoliennes afin de leur permettre de tourner plus efficacement et de faire moins de bruit. Et les baleines ne sont pas les seules sources d'inspiration pour réduire le bruit occasionné par les éoliennes : les chouettes et hiboux disposent également d'une caractéristique bien utile. Ils possèdent des plumes spéciales qui leur permettent de voler silencieusement pendant la nuit. Les pales ont donc été pourvues de structures semblables et sont maintenant plus silencieuses et efficaces. Un soulagement pour les oreilles !

À gauche : une baleine à bosse et à droite : détails d'une plume de chouette effraie
Yves Adams, Lars Soerink
À gauche : une baleine à bosse et à droite : détails d'une plume de chouette effraie

Ça colle !

La nature est aussi à l'origine de petites inventions qui facilitent la vie de tous les jours. Le velcro a par exemple été inventé en 1941 par Georges de Mestral, qui s'étonnait de voir les bardanes s'accrocher aussi fermement à la fourrure de son chien pendant ses promenades. Quand il étudia les plantes au microscope, il découvrit qu'elles étaient couvertes de petites piques qui se terminaient par des crochets. Il inventa alors la fermeture autoagrippante que nous connaissons à présent sous le nom de la marque Velcro. Qui ne rêvait pas d'avoir des chaussures à fermetures velcro au lieu de lacets ? Question collage et agrippage, les scientifiques sont fascinés depuis des siècles par le gecko. Ce reptile est le grimpeur ultime : il se hisse sans peine sur les murs à la verticale, se déplace sans le moindre mal au plafond et peut aussi bien adhérer au verre qu'à la pierre. Sa réussite réside dans ses pattes, où se trouvent des lamelles couvertes de poils microscopiques appelés setae. Chacun de ses poils se termine par deux sortes de spatules. Quand le gecko marche, cette structure spécifique lui permet d'avoir une surface de contact gigantesque et les poils s'accrochent aux surfaces grâce à une force spéciale. Les scientifiques et ingénieurs ont donc développé des rubans adhésifs durables en se basant sur les pattes du gecko pour remplacer les adhésifs actuels, même si cette invention n'est pas encore optimale.

À gauche : grande bardane, à droite : gecko et détails de l'une de ses pattes
Lars Soerink, Yves Adams
À gauche : grande bardane, à droite : gecko et détails de l'une de ses pattes

L'évolution en bref

Depuis 3,8 milliards d'années, les espèces évoluent par le biais de la sélection naturelle. Comme les spécimens d'une même espèce diffèrent grâce aux variations génétiques, certains sont plus adaptés à leur environnement que d'autres. Ces spécimens sont donc sélectionnés par la nature : ils peuvent mettre au monde une descendance plus nombreuse qui héritera des caractéristiques de ses parents et les transmettra à son tour. Les espèces se transforment donc progressivement et l'immense variété de caractéristiques et de comportements existante dans la nature lui donne toute sa richesse.

Orthèses et bras robotiques

L'expérience du professeur Dominique Adriaens et de ses collègues de l'Université de Gand illustre bien notre propos. Ils ont étudié la carapace solide et flexible des hippocampes et le cou très souple des flamants roses. La cominaison entre force et flexibilité pourrait donner lieu à de nombreuses améliorations dans le domaine des soins, comme des orthèses intelligentes et des bras robotiques. Ces orthèses pourraient bloquer certains mouvements d'un bras cassé sans immobiliser totalement le membre, permettant ainsi au patient de perdre moins de masse musculaire pendant que ses os se ressoudent. Les bras robotiques pourraient quant à eux remplacer les lève-personnes lourds et encombrants qui permettent de déplacer les patients alités. Ce bras devrait être solide mais suffisamment souple pour porter un patient et pour pouvoir s'adapter à son physique. L'étude du professeur Adriaens et de ses collègues n'en est encore qu'à ses débuts ; ils souhaitent d'abord observer en détail les caractéristiques spécifiques de la carapace des hippocampes et du cou des flamants roses. Les applications de cette étude sont prometteuses mais pas encore à l'ordre du jour.

À gauche : hippocampe à museau court, à droite : flamants roses
Yves Adams
À gauche : hippocampe à museau court, à droite : flamants roses

Leçons de groupe

Parfois, c'est une espèce toute entière et les liens entre ses différents spécimens ou les interactions entre plusieurs espèces qui nous inspirent. Les fourmis ne forment par exemple jamais d'embouteillages malgré la taille et la population de leurs immenses colonies. Étudier ce phénomène nous apprendrait comment utiliser un réseau routier de manière plus efficace. Les colonies de termites peuvent quant à elles nous montrer comment ventiler des immeubles plus durablement. Malgré la chaleur écrasante qui règne hors des termitières, ces insectes sociaux parviennent à garder leur nid au frais grâce à un réseau de trous et d'espaces ventilés. Cette invention pourrait bien inspirer les architectes ! Les interactions entre espèces sont tout aussi intéressantes à observer. Pour éviter qu'un oiseau ne vole à travers une toile et l'endommage, les araignées sécrètent une substance qui reflète les UV. Les oiseaux, qui contrairement à nous sont capables de voir les UV, repèrent les toiles et les évitent. Les ingénieurs se sont inspirés de cette interaction pour créer des fenêtres qui reflètent les UV de manière similaire : les oiseaux ne foncent donc pas tête la première contre les carreaux. Merci à la nature et aux ingénieurs !

Le biomimétisme est partout et la nature continue de nous inspirer. Nous ne manquons pas de nouvelles idées, mais une collaboration harmonieuse entre les scientifiques et les ingénieurs est notre plus grand défi futur. Ils doivent continuer à communiquer, même s'ils ne semblent pas toujours parler la même langue. Ainsi, la nature et le biomimétisme nous livreront de superbes solutions efficaces et durables. Conclusion : profitons de ce qu'elle a à nous offrir et évitons de détruire et d'exploiter la moindre ressource...

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