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Mission : agent infiltré

Au cours des siècles, nous avons développé toutes sortes de tactiques pour nous infiltrer dans un camp ennemi ou pour espionner des cibles potentiellement intéressantes. Mais saviez-vous que les êtres humains n’avaient pas le monopole de l’infiltration ? Voici quelques animaux qui feraient rougir nos meilleurs espions.

Tout le monde a sans doute déjà entendu parler de la mythique guerre de Troie et du non moins célèbre stratagème d’Ulysse pour faire entrer les Grecs dans le camp troyen. En réalité, le héros aurait aussi bien pu s’inspirer de notre nature et de ses agents infiltrés.

Le champion en titre : le coucou

Le coucou gris est sans conteste l’imposteur le plus célèbre de cette liste, à tel point que l’adjectif « coucou » est aussi accolé à d’autres espèces pour désigner le même comportement. Il tient son nom du chant du mâle, très reconnaissable. Pourquoi est-il aussi célèbre ? Parce que la femelle dépose ses œufs, à raison d’un par nid, dans les nids d’autres oiseaux, souvent des petits passereaux comme le rouge-gorge ou la rousserolle effarvatte. Elle attend que les futurs parents s’éloignent pour abandonner son petit à ses futurs parents adoptifs. L’imposture va même si loin que les œufs du coucou ressemblent fortement aux œufs de la couvée où ils sont déposés. Ce mimétisme est nécessaire, car certains oiseaux sont capables de différencier leurs œufs d’un œuf étranger, comme la rousserolle, et rejettent alors l’intrus. La femelle coucou gobe également l’un des œufs de l’hôte pour que le tableau soit parfait. Onze ou douze jours plus tard, le jeune parasite vient au monde et se débarrasse des autres œufs qui ne sont pas encore prêts à éclore. Il réclamera ensuite sa nourriture à grands cris à ses parents adoptifs, qui feront de leur mieux pour satisfaire son appétit. Son gosier orangé provoquerait un instinct parental irrésistible chez les oiseaux, poussant même des oiseaux de passage à le nourrir. Même si le leurre semble parfait, il arrive que ses cris n’aient pas prise sur certains oiseaux, comme les corneilles noires ou les linottes, qui vont nourrir leurs petits en priorité.

Les abeilles dites « coucous »

Aussi appelées « cleptoparasites », il s’agit de plusieurs espèces d’abeilles qui, comme l’oiseau, pondent dans d’autres nids afin que leurs petits grandissent grâce au nectar et au pollen apportés par des parents de substitution. Coelioxys, Nomada et Melecta font par exemple partie de ce groupe de super-parasites. Le procédé n’est pas bien différent de celui utilisé par l’oiseau : l’abeille coucou va surveiller le nid d’une abeille solitaire, comme les andrènes, et pondre en son absence. Chaque espèce est spécialisée dans le parasitisme d’une autre espèce bien particulière.

Le combattant varié, un prétendant ingénieux

La nature de l’infiltration est cette fois bien différente : certains combattants variés mâles ne parasitent pas d’autres nids, mais se font passer pour des femelles ! Chez ces oiseaux, il existe trois types de mâles. Les indépendants, majoritaires, paradent dans des arènes à la manière des tétras lyres à l’aide de leur collerette colorée et de postures imposantes. Ils disposent chacun d’un territoire, qu’ils doivent défendre pour conserver leur cour. Le second groupe, dit « mâles satellites », couvre entre 5 et 20 % de la population. Moins impressionnants mais beaucoup plus rusés, ils attendent que les mâles indépendants combattent pour leur chiper les femelles et ne possèdent pas de territoire. Enfin, le dernier groupe est composé des mâles « faeders », qui représentent environ 1% de la population de combattants variés. Ce type très rare est aussi le plus particulier, car les mâles ressemblent à s’y méprendre à des femelles. Ils ne sont donc pas attaqués par les mâles indépendants, qui les confondent avec leurs prétendantes, et peuvent s’accoupler pendant que ces messieurs ont le dos tourné. Malin ! Les mâles faeders reçoivent leur superpouvoir de mimétisme dès la naissance : une étude de 2015 montre que leur morphologie provient de l’inversion de 125 gènes sur l’un de leurs chromosomes. Il ne s’agit finalement que d’une stratégie évolutive différente afin d’économiser de l’énergie qu’ils gaspilleraient en combattant.

Combattants variés : à gauche, un mâle avec sa collerette, à droite : plumage de femelle et de mâle faeder
Combattants variés : à gauche, un mâle avec sa collerette, à droite : plumage de femelle et de mâle faeder

Le busard des roseaux se travestit

Le combattant varié n’est pas le seul à imiter le plumage du sexe féminin pour trouver une partenaire. Le busard des roseaux, un de nos rapaces qui élit domicile dans les marais, peut aussi présenter des caractéristiques qui le font ressembler à une femelle. Chez cet oiseau de proie, la proportion de mâles au plumage « féminin » atteint même les 40 % ! Eux aussi ont développé cette stratégie afin de ne pas être attaqués par les mâles dominants et d'avoir le champ libre avec les femelles sans devoir fournir d’efforts particuliers. Selon une expérience menée en Charente-Maritime sur 36 busards, les mâles « travestis » vont même jusqu’à ce comporter comme des vraies femelles en attaquant les autres oiseaux (femelles et mâles) qui ont le malheur de s’aventurer sur leur terrain. Cependant, leur présence est aussi bénéfique aux mâles plus « virils », qui n’ont pas besoin de se battre pour un territoire. Le plumage adulte des busards des roseaux n’est définitif qu’à partir de leur deuxième année de vie ; c’est donc à ce moment que le dimorphisme entre mâles et femelles apparaîtra... ou non.

La rainette verte, partisan du moindre effort

Chez la rainette verte, pas question de travestissement, même si la technique pour s’infiltrer auprès des femelles est tout aussi efficace. Pour attirer les femelles, les rainettes mâles gonflent leur sac vocal et font entendre leur voix. Enfin… pas tous. Certains mâles se contentent de se poster près des chanteurs pour leur voler leur promise. Selon une étude menée en 2011, les mâles plus frêles ont plus de chances de devenir des mâles satellites, et décident ensuite de suivre les traces des mâles les plus imposants, qui ont plus de chances d’attirer les femelles en grand nombre. Même s’ils n’ont pas un charisme digne de Casanova, ils s’en sortent ainsi très bien lors de la reproduction grâce à leur intelligence.

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