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Laurent Louwies a montré le chemin aux équipes de tournage dans le Parc national de Haute Campine

L’équipe de « Notre Nature, Le Film » est infiniment reconnaissante envers Laurent Louwies. L’expertise de ce bénévole a été précieuse pour les différentes scènes tournées dans le Parc national de Haute Campine. Laurent a surveillé les habitudes, les trajectoires, l’habitat et les endroits favoris des personnages principaux du film chaque jour pendant des heures durant presque tout le tournage – soit 2 ans et demi. Une histoire toute particulière mettant en scène une patience sans borne, une confiance mutuelle et le respect pour la nature.

Laurent a toujours été très actif ; depuis sa pension, il passe tout son temps libre dans la nature de Zutendaal. Il préfère que notre rédaction l’interviewe dans l’après-midi. « Ce matin, je suis allé compter les papillons de nuit qui ont déclenché mon éclairage nocturne, puis je me suis posté en hauteur pour recenser les oiseaux migrateurs qui survolent la vallée de la Meuse. » L’amour de Laurent pour la nature revêt plusieurs formes. Il ne s’est pas spécialisé dans un groupe d’espèces mais adore tous les animaux, plantes et champignons. Tout en nous parlant, il nous emmène à Daalbroekstraat, où nous admirons le tout premier herpétotunnel de Flandre. « La très rare coronelle lisse et la grenouille des champs vivent des deux côtés de cette route ; elles peuvent à présent traverser en toute sécurité grâce à ce tunnel. Les échanges génétiques sont désormais possibles et renforceront les populations futures. D’autres espèces utilisent aussi cette infrastructure : j’observe régulièrement des reptiles et des amphibiens, mais aussi des mammifères. »

La pie-grièche grise scandinave hiverne dans le Limbourg

Mais nous ne sommes pas venus ici pour admirer la coronelle lisse ; nous espérons plutôt voir un passereau de taille moyenne aux mœurs lugubres : la pie-grièche grise. « Un bel oiseau blanc et gris aux yeux cernés de noir. Beaucoup nichent en Scandinavie mais passent l’hiver dans le sud, là où il fait plus chaud. Pour eux, le Limbourg belge est une zone méridionale suffisamment accueillante, car un ou deux individus posent leurs valises dans la vallée du Ziepbeek chaque année. » La vallée n’est pas assez grande pour accueillir plus d’oiseaux masqués, car leur territoire hivernal est immense. « Chaque oiseau a besoin de cent à cent cinquante hectares pour trouver des proies pour tout l’hiver. »

Nous parcourons la lande qui s’étend à perte de vue, les yeux rivés sur les points d’observation, guettant une petite boule blanche. « J’en vois souvent une qui cherche ses proies ici. La pie-grièche grise a un cri aux trémolos très reconnaissables, mais il est plus facile de la voir, car son chant est plutôt doux. Heureusement, sa couleur ressort bien au milieu du paysage. »

Dix jours de tournage pour une histoire fascinante

Il y a quelques années, par un beau jour d’été, Laurent a reçu un coup de téléphone de l’équipe de Notre Nature. « On me demandait si j’avais envie de contribuer à une scène où la pie-grièche grise occuperait le rôle principal. » Une demande simple, mais qui représentait un sacré défi au vu de la toute petite population qui passe l’hiver chez nous. Cette année-là, la pie-grièche scandinave a atterri dans la vallée du Ziepbeek le 15 octobre. « Nous l’avons baptisée ‘’ZiepZorro’’ pour rappeler la région où elle vivait et le héros espagnol masqué. Nous ne savions pas s’il s’agissait d’un mâle, car on ne peut le savoir que via une analyse ADN. »

À partir de ce moment, Laurent a passé plusieurs heures par jour en compagnie de la pie-grièche grise. « Je savais déjà que cet oiseau était très prévisible pour l’avoir observé les années précédentes, mais chaque individu est différent et je ne connaissais pas encore les habitudes de ZiepZorro. Ce n’est qu’au milieu de l’hiver que j’ai pu prédire précisément où il allait se rendre. Je connaissais ses itinéraires et je savais que quand il allait se percher dans un arbre, il ne fallait pas longtemps pour qu’il se pose sur une branche épineuse avec une nouvelle proie ou qu’il continue à grignoter sa prise du jour précédent. »

Photo de ZiepZorro issue de "Notre Nature, Le Film"
Photo de ZiepZorro issue de "Notre Nature, Le Film"

Le 13 janvier, il était temps de réunir l’équipe. « Le directeur de production Dick Harrewijn et son assistant Jeffrey van Houten ont posé leur tente de camouflage de bon matin et ont préparé leur caméra. Nous étions toujours en contact grâce à des talkiewalkies, et j’ai ainsi pu leur dire quand ZiepZorro allait atterrir devant leur objectif. Ça a marché, mais pour pouvoir mettre son histoire en images depuis différents angles de vue – depuis la capture de la souris jusqu’à la réjection des pelotes en passant par l’empalement – dix jours de patience ont été nécessaires. Les proies empalées ont été faciles à mettre en images, mais c’était une autre histoire pour filmer la pelote… Elle s’est fait attendre pendant 9 jours et demi. Dick et Jeffrey venaient de remballer leur équipement pour partir vers les Fourons quand elle est enfin arrivée ! »

La surprise des cigognes noires

Peu importe le nombre d’années d’expérience en tant que réalisateur, nous ne sommes que des observateurs qui doivent faire avec ce que la nature veut bien offrir. Heureusement, les bonnes surprises existent, comme ce fut le cas avec la cigogne noire. « Je savais que l’équipe de Notre Nature cherchait à filmer une cigogne noire. La plupart de ces oiseaux immobiles mais farouches s’envolent quand ils pensent entendre une branche se briser. Jusqu’à ce que je tombe sur une cigogne noire qui ne prenait pas ses jambes à son cou quand des promeneurs passaient à proximité. J’ai directement appelé l’équipe et le tournage a été planifié pour trois semaines plus tard. »

Laurent a pu mettre ce délai à profit pour mieux apprendre à la connaître. « J’ai aussi étudié ses habitudes : à quel moment de la journée arrivait-elle ? Quand repartait-elle ? Où cherchait-elle sa nourriture ? Le jour J se rapprochait et une deuxième jeune cigogne noire est apparue pour ma plus grande joie un jour avant le tournage. La scène était devenue encore plus intéressante ! Le jour suivant, Dick et Jeffrey sont restés cachés dans leurs tentes posées à chaque coin de l’étang. Et bingo : au point du jour, une troisième jeune cigogne est arrivée. Cette image de trois cigognes buvant dans le point d’eau avec un océan de fleurs jaunes en arrière-plan était tout simplement magique. La scène est très courte dans le film, mais je pense que notre trio sera davantage à l’écran dans la série diffusée sur RTL l’année prochaine. »

Et un peu d’aide de la part... d’une vache !

Une autre superbe scène du film a été filmée par Pim Niesten grâce aux indications de Laurent. « Le film montre des renards dans un environnement boisé, mais Pim voulait aussi filmer une famille dans un paysage ouvert. J’ai donc commencé mon enquête de détective pendant l’hiver. J’ai recensé toutes les tanières de la région quand les renards ne les utilisaient pas. Les renards ne vivent pas à un endroit fixe mais ne se retranchent dans une tanière que quand il fait trop froid dehors ou quand ils ont des petits. »

« Au printemps, j’ai installé des pièges photographiques dans toutes les tanières et je les ai laissés pendant quelques jours. Et l’une d’elles était occupée ! Le problème, c’est que ce n’était pas l’endroit idéal pour obtenir de belles images. Mais Pim allait arriver quelques jours plus tard dans l’espoir de filmer une maman renard ramener une proie à ses petits. Et le destin a frappé peu de temps avant le tournage : mon piège photographique montrait une vache – employée pour entretenir la lande – dont la patte postérieure s’était enfoncée dans la tanière. La renarde était donc partie vers le nord en emmenant sa portée. Et nous, nous étions face à un gros problème. J’ai donc repris mes recherches : où aurait bien pu aller la famille ? Je me suis caché une demi-journée à proximité de plusieurs tanières jusqu’à trouver la bonne. Et cette fois, le domicile familial se trouvait dans une belle lande ouverte et Pim a pu filmer la mère et ses quatre petits. Merci la vache ! »

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Au revoir et à bientôt, ZiepZorro

Quand nous demandons à Laurent s’il a encore appris des choses sur la nature pendant le tournage de Notre Nature malgré son expertise, sa réponse ne se fait pas attendre. « Je pensais bien connaître la pie-grièche grise, mais elle a encore réussi à m’étonner. Je ne savais pas qu’elle criait comme les rapaces par exemple, ce que j’ai pu constater en la voyant chasser les grillons champêtres au début du printemps. J’ai aussi été témoin de ses tentatives pour distraire un autour des palombes qui s’était posé à la limite de son territoire de chasse. On aurait dit que la pie-grièche grise n’osait pas chasser quand l’autour était dans les parages. Je l’ai vue s’élever dans les airs jusqu’à quatre fois avant de se laisser retomber vers le rapace. Quand il en a eu assez de son manège et qu’il a décidé de partir, le calme est revenu et ZiepZorro a repris ses habitudes quotidiennes. »

Mais où se trouve la pie-grièche grise la plus célèbre de Belgique en ce moment ? Mystère. « Cette année-là, elle est repartie vers le nord à la mi-mars. Nous ne savons pas si elle a atteint sa zone de nidification en Scandinavie. Le jour de son départ, une tempête faisait rage, j’espère qu’elle y a survécu. L’année suivante, une pie-grièche grise est arrivée à la mi-novembre dans la région. Elle avait des habitudes différentes : elle ne se posait pas au même endroit et suivait d’autres itinéraires. Une photo a confirmé ce que je pensais : un jeune individu avait repris le territoire de ZiepZorro. Cette année-là, un deuxième oiseau s’est installé dans la vallée du Ziepbeek sur un autre territoire. Peut-être était-ce notre star ? Nous ne le saurons jamais, mais nous nous en rappellerons toujours grâce à la superbe scène dans laquelle elle a brillé. »

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