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Yves Adams

Nos chênes indigènes accueillent plus de 1000 espèces

L'époque où nous choisissions les arbres qui composaient nos forêts pour leur valeur économique est heureusement révolue. En plantant une forêt ou en la renouvelant, nous tentons à présent de créer davantage de biodiversité – et le processus commence par un choix d'essences mûrement réfléchi. Les arbres indigènes sont toujours prioritaires, mais pourquoi ? En observant les nombreuses formes de vie qui évoluent dans et autour d'un chêne pédonculé, il est facile d'en comprendre les raisons.

Les arbres indigènes ont une histoire riche au sein de leur lieu d'origine. Ils ont en effet eu beaucoup de temps pour créer des relations durables avec les espèces qui partagent le même habitat. Les petits nouveaux (c'est-à-dire les espèces exotiques qui étendent leurs racines chez nous) ne connaissent encore personne. Ces arbres ont beaucoup à offrir aux espèces qui vivent dans leur région d'origine, mais ici, ils ne peuvent satisfaire aux besoins de nos organismes.

Chêne pédonculé VS chêne rouge d'Amérique

Le chêne illustre parfaitement cette différence dans les relations inter espèces locales. En général, ceux qui mentionnent simplement un « chêne » parlent du célèbre chêne pédonculé (Quercus robur), mais le genre comprend de nombreuses espèces, comme le chêne rouge d'Amérique (Quercus rubra), arrivé dans nos contrées au début du XIXe siècle. Cet arbre imposant a trouvé sa place au sein des parcs urbains et a aussi été planté dans les forêts.

Un bel arbre, nous en conviendrons, mais sa valeur écologique est loin d'être exceptionnelle. Sa cime étoffée ne laisse que rarement passer la lumière, empêchant ainsi les plantes de pousser dans son ombre. Dans ces circonstances, le chêne rouge d'Amérique peut même être considéré comme invasif. Il suffit de regarder les données chiffrées pour remarquer la différence. Un chêne pédonculé accueille environ 450 espèces d'insectes, tandis que le chêne rouge d'Amérique n'en compte que 13. Le chêne sessile, notre autre espèce locale, est également un véritable aimant pour la biodiversité.

Tout un écosystème dans un seul arbre

Quatre cent cinquante espèces, vous avez bien lu. Et encore, il ne s'agit que des insectes qui ont un quelconque rapport avec le chêne pédonculé. La vie grouille autour de cet arbre, un peu comme dans une ville miniature où les habitants de pelages divers trouveraient leur compte et entretiendraient des relations les uns avec les autres. Ils y cherchent de la nourriture, y trouvent l'endroit parfait pour se reproduire ou décident de s'y installer perpétuellement.

Voici un aperçu de tous ces habitants :

Une source de nourriture

Certains spécialistes dépendent entièrement du chêne pédonculé à un stade ou l'autre de leur vie : ils ne peuvent pas vivre sans lui. Ils l'utilisent comme source de nourriture ou dévorent les espèces qui y trouvent à leur tour des avantages. D'autres habitants ou visiteurs se rendent plus loin mais s'y arrêtent pour des haltes fréquentes afin de recharger leurs batteries. Voici quelques exemples :

  • Les oiseaux : Nous vous parlions un peu plus haut de la multitude d'insectes qui vivent dans le chêne, fait aussi bien connu de la population aviaire. Certains oiseaux insectivores décident même de s'y reproduire. La mésange charbonnière est par exemple friande de toutes sortes de chenilles qui apparaissent au printemps autour des chênes pédonculés. Celles-ci représentent une source de protéines essentielle pour les oisillons. Les fruits du chêne attirent aussi des gourmets ailés, comme le geaile pigeon ramier, le bec-croisé, la pie et le choucas, qui savent s'y prendre avec les glands robustes.
  • Les petits mammifères : L'amateur de glands le plus célèbre est sans nul doute l'écureuil roux. Il fait ses réserves hivernales près des chênes et en assure ainsi la reproduction. De nombreuses souris et espèces apparentées comme le mulot, le campagnol roussâtre et le campagnol des champs adorent aussi les glands.
  • Les grands mammifères : Quand ils fourragent, les sangliers ne laissent pas traîner un seul gland. Les cervidés, comme le cerf élaphe et le chevreuil, sont aussi friands des fruits du chêne (ou de ses jeunes pousses).
Le hanneton commun aime aussi croquer une feuille de chêne bien verte
Jeroen Mentens
Le hanneton commun aime aussi croquer une feuille de chêne bien verte

En plus de tous les animaux qui comptent sur le chêne pour se sustenter, de nombreux champignons et autres bactéries vivent autour de l'arbre. Certains permettent la décomposition des branches et des feuilles mortes, tandis que d'autres se servent dans les nutriments et l'eau apportés par le chêne. Ce dernier échange peut aussi exister dans l'autre sens : les champignons étendent leur réseau racinaire souterrain (mycorhize) qui favorise l'apport de nourriture depuis la terre jusque dans les racines de l'arbre. Ces réseaux souterrains s'étendent d'arbre en arbre, de telle façon que le chêne peut partager des nutriments avec d'autres arbres plantés dans une zone moins favorable.

Une maternité

Le chêne pédonculé n'est pas seulement un supermarché vivant, c'est aussi une maternité précieuse, même si ces deux fonctions sont souvent liées. Certains animaux optent pour cet arbre pour y élever leur progéniture, et pour une bonne raison : les nombreuses sources de nourriture qu'il contient.

  • Les papillons (de nuit) : Le chêne pédonculé est la plante hôte de beaucoup de papillons, ce qui signifie que leurs chenilles ne peuvent survivre que si elles mangent des morceaux de chêne. La Thécla de l'yeuse pond ses œufs sur de jeunes chênes pour que ses chenilles puissent se régaler au printemps suivant des bourgeons en pleine floraison. La Thécla du chêne préfère quant à elle les grands chênes ensoleillés. De nombreux Gracillariidés minuscules pondent leurs œufs sous les feuilles de chêne. Les petits tunnels creusés par les chenilles trahissent la présence de ces gloutonnes. Lachenille processionnaire du chêne est elle aussi une larve de papillon de nuit qui dépend du chêne pour sa survie.
  • Les guêpes gallicoles : Des dizaines d'espèces de guêpes gallicoles pondent leurs œufs sur les bourgeons, les feuilles ou les racines du chêne pédonculé. Elles injectent une substance chimique dans la plante, qui va développer une galle. Quand les œufs éclosent à l'intérieur, les larves ont tout ce dont elles ont besoin pour survivre. En plus des larves, les galles accueillent d'autres organismes attirés par la source de nourriture – ou par les guêpes. Les organismes qui vivent autour des galles attirent à leur tour d'autres animaux, comme des oiseaux, des mammifères, des mites et des insectes.
  • Les coléoptères : Le cigarier du chêne fait partie des amoureux de notre arbre. La femelle enroule les feuilles pour en faire de petits tonneaux et y pond ses œufs. Ces rouleaux protègent les futures larves et constituent une réserve basique de nourriture. Après un certain temps, les tonneaux fanés tombent sur le sol, où la larve hiverne et se transforme en pupe.
La Thécla de l'yeuse (à droite) pond ses œufs (à gauche) sur le chêne pédonculé
La Thécla de l'yeuse (à droite) pond ses œufs (à gauche) sur le chêne pédonculé

Et une maison

Certains organismes sont tellement fans du chêne pédonculé qu'ils décident de s'y installer. Souvent, ce choix est lié aux deux fonctions précédentes : l'arbre est un buffet à volonté et un endroit sûr pour y élever des petits. Mais il existe bien d'autres raisons pour choisir un chêne robuste comme domicile.

  • Les oiseaux : De nombreux oiseaux nichent dans le chêne, même si son feuillage tardif peut gâcher la fête. Pourtant, la buse variable opte souvent pour un grand chêne quand elle construit un nid. Les pics y creusent un trou, tout comme la mésange boréale. Les nids de buses peuvent à leur tour servir aux martres, aux chouettes et hiboux, à d'autres espèces d'oiseaux ou à des chauves-souris.
  • Les plantes : Il n'y a pas que les animaux qui profitent du chêne, certaines plantes développent aussi des liens profonds avec cet arbre. Le lierreet la clématite blanche sont des plantes grimpantes qui s'accrochent souvent aux chênes. Elles attirent à leur tour des insectes et des oiseaux qui fondent leur nid sous leur protection.
  • Les lichens : Quand des champignons s'associent avec des algues unicellulaires, ils créent des lichens, qui se retrouvent aussi sur le tronc des chênes. Les algues se chargent de la photosynthèse pendant que les mycètes apportent les substances minérales nécessaires.
  • Les pucerons : Le grand puceron du chêne (entre autres) vit de façon permanente dans nos chênes indigènes. Les pucerons attirent ensuite les fourmis qui les « traient » pour récolter le miellat. D'autres insectes comme les papillonsou l'abeille domestique s'abandonnent parfois aussi à une lampée de miellat.
  • Le charançon du chêne : Mention spéciale pour le charançon du chêne, un coléoptère qui pond ses œufs dans un gland qui n'est pas encore mûr en été. Les larves se nourrissent de son contenu et se fraient un chemin vers l'extérieur une fois que les glands sont tombés. Un gland comme maison, c'est romantique, non ?

Les espèces citées dans cet article ne forment qu'une petite partie du fan-club du chêne pédonculé dans notre pays. En réalité, au moins 1000 espèces vivent dans les chênes et aux alentours. On peut donc en conclure que cet arbre grouille littéralement de vie !

Lérot entre des feuilles de chêne
Lérot entre des feuilles de chêne

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